LE GOUT DE LA PROVOCATION
Pour écrire, en ces temps d'écologisme à tout crin, dès les premières pages d'un roman « Dieu nous préserve des écologistes ! », il faut avoir une passion féroce pour le paradoxe et la provocation, surtout lorsqu'on prend pour personnage principal du récit un monstrueux supertanker de 600 000 tonnes à propulsion nucléaire et qu'on le surnomme le bon Léviathan ! Et qu'il le devient réellement, l'eau de refroidissement du réacteur devenant miraculeuse, comme à Lourdes, et la marée noire qu'il provoque sauvant des dizaines de personnes !
Mais cette aimable fable ne doit surtout pas être prise au premier degré, l'auteur de
La planète des singes ne se faisant pas l'apôtre de la marée noire ou des effluents radio-actifs, ni ne s'en prenant aux écologistes sincères. Ce livre, précise l'auteur, « ne s'en prend qu'à ceux qui pratiquent le culte aveugle et immodéré de la mode et qui, surtout, sont incapables de concevoir une possible relativité entre le Bien et le Mal ». Du travail d'équilibriste qui s'amuse à prendre le contre-pied de certaines idées reçues et qui, certainement, a dû irriter bon nombre d'écolos à la triste figure, ceux sans doute stigmatisés par Philippe Curval dans son excellente nouvelle
Un kilowatt à pied, ça use, ça use... (
Futurs n°2), car certaines vérités ne sont pas toujours bonnes à dire, surtout sur le ton de l'humour !
Mais attention à ne pas brouiller les cartes, malgré tout. Car si dégraisser la croisade écologiste de son mysticisme, de son manichéisme et de son fanatisme est chose salutaire, il ne faut pas oublier que le nucléaire et la marée noire ne sont pas des mythes pour enfants pas sages, analogues au Père Fouettard de notre enfance, mais des réalités tout ce qu'il y a de plus tangibles et inquiétantes.
Denis GUIOT
Première parution : 1/1/1979 dans Fiction 297
Mise en ligne le : 7/3/2010