Jack VANCE Titre original : Showboat World / The Magnificent Showboats of the Lower Vissel River, Lune XXIII South, Big Planet (VIE) / The Magnificent Showboats (Orion), 1975 Première parution : Pyramid, 1975ISFDB Cycle : La Planète géante vol. 2
Autour de l'étoile Phèdre, voici la Planète Géante. Quarante mille kilomètres de diamètre, d'immenses territoires de liberté ouverts aux hommes.
La nature humaine y est différente et les animaux ont évolué vers des formes étranges et séduisantes.
C'est le domaine des dissidents, des artistes, des révoltés, des comédiens mais aussi des assassins.
Car la Terre a décidé de préserver à jamais la Planète Géante.
Et les baladins, théâtriers de l'absurde, remontent la rivière Vissel depuis la Baie des Conjectures, dans leurs bateaux qui sont autant de mondes baroques, jouant une comédie folle, épique et macabre...
Critiques
Ah ! merveilleux Jack Vance ! Nombre de ses histoires constituent un véritable bain de fraîcheur et de fantaisie au sein de la SF... Les baladins appartiennent à ce côté « mille et une nuits » de son œuvre, là où finalement l'histoire elle-même n'a plus grande importance et où rien ne compte, si ce n'est l'enchantement, l'humour et le talent de l'auteur à faire vivre des civilisations étrangères qui semblent toutes sortir droit d'un rêve éveillé. Toute l'histoire des Baladins de la Planète Géante a pour cadre le monde des vaisseaux-théâtres qui sillonnent les fleuves d'un continent de cette fameuse Planète Géante qui avait déjà servi à un autre roman de Vance (La Planète Géante, version coupée de l'édition originale américaine de 1952). Et sur ce thème inspiré en droite ligne par les showboats de Mississipi, Vance a construit un conte si délicieux, si frais et si amusant que la plus grande angoisse du lecteur est de voir s'approcher inexorablement la page maudite où est inscrit le mot FIN.
Déjà publié au Masque S.F. en 1981 (l'un des derniers volumes d'uns collection que tous les amateurs regrettent), Les Baladins est une agréable fantaisie sans grandes prétentions, dont la réédition s'inscrit dans la reprise par Presses Pocket de la majorité des titres de Vance. On ne saurait blâmer Jacques Goimard d'offrir au nouvel amateur des textes déjà difficilement trouvables, surtout s'ils nous font passer un aussi bon moment.
Les histoires de la Planète Géante s'apparentent à celles de Cugel, magie absente. Elles sont un peu décevantes en ce sens que le cadre de base est loin d'être exploité comme il pourrait le mériter — une planète géante ! — et on avait même pu trouver que le premier volume (Galaxie bis) se terminait en queue de poisson, mais Vance n'aime guère s'attarder, on le constate même dans des cycles comme Tschaï ou la Geste des Princes-Démons. En fait, on peut considérer que l'auteur a juste posé là avec ce monde gigantesque un cadre propice à toutes les aventures possibles, un lieu infini dans lequel tout peut se produire puisque les kilomètres sont innombrables et que chacun d'entre eux peut réserver une surprise dont le conteur a le secret.
Ça, Vance est un conteur, nul ne peut le nier. Et la vision préalable de la carte — heureuse innovation par rapport à la précédente édition — nous en convainc autant que le savoureux extrait du « Guide des Planètes habitées », procédé dont l'auteur nous régale souvent. Pour en faire mention brièvement, il y a dans ces deux éléments un facteur de « contradiction », la carte s'apparentant traditionnellement à la Fantasy, la mention de planètes au Space Opéra, mais c'est tout le charme de Vance, qui situe des récits de Fantasy dans un cadre S. F.
Le conte, il en est question dès l'abord du récit, et nous ne pouvons que féliciter les traducteurs pour des rendus frappants tels que : « ...Garth Ashgale affectait une élégante langueur. » On aura compris que si Vance avait pu écrire les Mille et Une Nuits avant terme, il ne s'en serait pas privé. Et d'ailleurs, il ne se prive pas de les réécrire sur d'autres mondes, avec sa description des vies et mœurs des populations du fleuve Vissel. Coutumier du fait, à notre grand plaisir, l'auteur n'a guère tardé à nous dépeindre « son » humanité habituelle, qui n'est que l'exposition outrée de ce que nous connaissons quotidiennement : vanité, arrogance, cupidité, fourberie, chaque personnage mis en scène n'a que l'embarras du choix dans une palette infinie des couleurs des défauts humains, tout cela présenté de si plaisante façon que l'on se tortille d'aise (le ton de Vance déteint même sur cette notule !) à entendre les conversations d'Apollon Zamp, propriétaire du bateau-théâtre Les Enchantements de Miraldra, à apprendre les coutumes perverses des résidents de Port Optimo et autres lieux baroques. « ... l'absence de bizarreries de caractère dans cette ville était presque une singularité. » dit-il de Fudurth !
Un très bon moment à passer, donc, en remontant la Vissel avec une théorie de personnages hauts en couleur lancés dans une frénésie galopante d'activités jusqu'au grand événement qui attend chacun à Mornune.