Kate WILHELM Titre original : Listen, Listen, 1981 Première parution : Boston, USA : Houghton Mifflin Company, novembre 1981 Traduction de Sylvie AUDOLY Illustration de Laurence TERREL
DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 380 Dépôt légal : mai 1984, Achevé d'imprimer : avril 1984 Première édition Recueil de nouvelles, 256 pages, catégorie / prix : 6 ISBN : 2-207-30380-2 Format : 10,7 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
La nouvelle "The Winter Beach" qui figure dans le recueil original, et qui au moment de la parution française de ce livre, devait paraître en VO dans "Welcome, Chaos", a finalement été traduite dans "Bonjour, Chaos" (PdF n°402, juin 1985).
Quatrième de couverture
N'offrez jamais un télescope à votre fils pour l'anniversaire de ses douze ans... S'il lui venait à l'esprit de le braquer sur la fenêtre d'en face plutôt que sur les étoiles, sa vie entière en serait changée.
Méfiez-vous des belles étrangères qui semblent vous trouver à leur goût... surtout si votre horoscope est désastreux pour la semaine ! Enfin ne vous promenez pas seul la nuit dans le désert... Car la lisière de la réalité est incertaine et, quelquefois, ce n'est pas la terre qui tremble : ce sont le temps et l'espace qui vous entraînent dans une sarabande dont vous ne sortirez pas intact.
L'auteur :
Kate Wilhelm, est la femme de Damon Knight, le célèbre anthologiste et découvreur de talents.
Présence du Futur a publié d'elle des recueils de nouvelles et plusieurs romans, dont le Temps des genevriers qui a remporté le prix Apollo.
1 - (non mentionné), Note de l'éditeur, pages 7 à 7, notes 2 - La Barrière sous la lune (Moongate, 1978), pages 7 à 106, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 3 - Julian (Julian, 1978), pages 107 à 154, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 4 - Avec un bateau, une aiguille et un peu d'espoir (With Thimbles, with Forks, and Hope, 1981), pages 155 à 221, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 5 - La Lisière incertaine de la réalité (The Uncertain Edge of Reality, 1980), pages 223 à 243, article, trad. Sylvie AUDOLY
Critiques
Cette injonction n'est qu'un murmure. Il faut bien tendre l'oreille pour la percevoir, percevoir surtout le discours qui suit. « Me servant (...) de la métaphore du lac, je répète que mon intention est d'en rider la surface. (...) La réalité se trouve à la surface ; je veux la troubler, la remettre en question. » Ainsi parlait Kate Wilhelm, dans son allocution faite à l'occasion de Noreascon II, la 38e convention mondiale de la science-fiction de Boston, en 1980 : La lisière incertaine de la réalité, judicieusement reproduite à la fin de ce volume, qui comprend trois longues nouvelles (une quatrième, The winter beach, a été supprimée de l'édition française, car elle forme la première partie d'une roman, Welcome, chaos, qui doit prochainement paraître en « Présence du Futur »).
Cette « lisière incertaine », dans l'esprit de l'auteur, semble bien être celle qui sépare les diverses perceptions qu'ont différents individus d'une réalité. En somme, le « autant d'univers que d'hommes » de Dick. Pourquoi, cependant, un individu donné n'essayerait-il pas d'appréhender ces autres univers ? C'est ce que semble susurrer Kate Wilhelm : « Notre réalité est aussi restrictive que les bandelettes qui emprisonnaient les pieds des chinoises autrefois, mais nous l'acceptons, nous clopinons, (...) Pourquoi ? C'est mon thème de réflexion quand j'écris ».
Ici : Victoria, une femme apparemment mal dans sa peau et sa vie, va rejoindre un ami dans un ranch perdu en plein désert montagneux de l'ouest américain ; elle passe, ou croit passer, dans une autre réalité, sans doute un autre temps, celui où jaillissait la rivière fantôme des légendes indiennes ; on ne la croit pas ; elle essayera de convaincre ses compagnons de l'existence de cette autre réalité. C'est La barrière sous la lune. Là : un jeune homme observe à la jumelle une femme d'un motel voisin, qui semble rajeunir par le simple fait qu'elle absorbe l'eau de sa douche ; grandissant, il n'aura de cesse de retrouver cette femme, de se convaincre de son existence. C'est Julian. Un homme à pulsions suicidaires semble surveillé, traqué par une jeune femme mystérieuse que deux enquêteurs soupçonnent de se nourrir de la mort d'autrui ; ils auront la preuve que leurs soupçons sont fondés après avoir failli laisser leur peau dans l'aventure. C'est Avec un bateau, une aiguille, et un peu d'espoir.
Il y a un hiatus certain entre le discours officiel de Kate Wilhelm, où elle parle de « l'absurdité tragique de l'Homo Sapiens (qui) accepte comme inévitables les incroyables injustices sociales qu'il endure : le racisme, le sexisme, la famine, la malnutrition, les épidémies, la pollution, l'analphabétisation » (et le surarmement), et le traité de ses textes, qui se situent dans le cadre du fantastique moderne, qui plus est intimiste, et répondraient assez bien à la définition de Todorov : l'introduction progressive dans la réalité de tous les jours d'un élément de trouble, de doute, dont la « réalité » peut être soumise à diverses interprétations. C'est ici la Kate Wilhelm de La mémoire de l'ombre que nous lisons, pas celle du Village ou de Le temps des genévriers — que l'engagement de son appel semblerait devoir générer...
Mais quoi ! Un texte doit se défendre tout seul, non se colleter avec les déclarations qui l'accompagnent. A ce titre même, la déception reste sensible Si La barrière sous la lune est de bout en bout prenant (c'est un texte « d'atmosphère », et elle est bien rendue), Julian (il est difficile de se passionner pour l'existence de cette inconnue qui se régénère en absorbant de l'eau à travers son épiderme), comme Avec un bateau... (qui pourrait être un assez bon conte de suspense si l'auteur n'avait pas délayé sa première partie dans la description des rapports d'un couple de quinquagénaires — Kate et Damon ? — qui est trop normatif pour être vraiment touchant) ne valent que par les incidents du texte, par ces petites réflexions vécues qui donnent du poids aux récits, et font de l'auteur un écrivain qui a du style, mais est tellement proche ici du mainstream qu'elle s'y confond, ce plaisir du texte est grand. Dommage qu'il coure sur un fil aussi ténu...