Eric Temple Bell, qui naquit en Écosse en 1883 et mourut aux États-Unis en 1960, enseigna les mathématiques à l’Institut de Technologie de Californie, et publia plusieurs ouvrages sur cette science ainsi que sur son histoire. Sous le pseudonyme de John Taine, il écrivit un bon nombre de romans et quelques nouvelles se rattachant à la science-fiction. Cette Étoile de fer, ainsi qu’il est précisé dans la présente édition, parut pour la première fois en 1930.
Il est assez remarquable que ce mathématicien ait principalement été attiré, dans ses œuvres d’imagination, par les sciences biologiques. Comme Germes de vie, précédemment paru dans la même collection, c’est à cette science que se rattache cette Étoile de fer. Comme le titre l’indique, c’est un débris céleste qui est au centre de l’action – ou, plus exactement, du mystère : une météorite de composition inhabituelle, tombée en Afrique équatoriale, provoque d’étranges mutations par son rayonnement. Les êtres humains, sous son influence, suivent une évolution à rebours, devenant des singes, perdant la plus grande part de leur intelligence alors qu’ils ne conservent que l’instinct. C’est l’histoire de l’expédition qui découvrira l’explication qui forme la plus grande partie du livre. Le récit est mené avec le métier que les anglo-saxons désignent de l’adjectif compétent, et c’est effectivement ainsi que l’on peut qualifier l’auteur. Il tire un emploi logique et cohérent d’un thème valable, et le présente à son lecteur de manière à éveiller sa curiosité dès les premières pages. Le personnage de l’ancien missionnaire Swain, chez lequel l’homme paraît encore lutter avec le singe, est dessiné avec beaucoup de fermeté.
Mais le roman trahit son âge, indubitablement. Cela tient simplement au fait que la science-fiction a évolué depuis que Bell-Taine a écrit cette Étoile de fer. En 1930, le thème des mutations était moins familier que de nos jours, et le lecteur de 1964 ne peut s’empêcher de trouver que l’auteur « tire à la ligne » : l’explication des divers mystères présentés lui apparaît en général beaucoup plus vite qu’aux personnages, et les marches que l’auteur impose à ceux-ci à travers les forêts équatoriales fatiguent ceux qui lisent au moins autant que les membres de l’expédition. Il faut remarquer, en outre, qu’un préjugé racial certain – il est souvent question des Africains sous les termes de « brutes » et de « sadiques » – n’est pas fait pour gagner la sympathie du lecteur.
À relever, à l’actif, la très bonne traduction de Christine Renard. Celle-ci possède deux qualités que l’on ne rencontre pas toujours chez ses confrères : elle connaît l’anglais, et elle aime la science-fiction.
Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/8/1964 dans Fiction 129
Mise en ligne le : 27/12/2023