Keith ROBERTS Titre original : The Furies, 1966 Première parution : Science Fantasy, juillet à septembre 1965. En volume : Hart-Davis, 1966ISFDB Traduction de Frank STRASCHITZ Illustration de Patrick DEMUTH
Toutes les conséquences d'un accident nucléaire avaient depuis longtemps été répertoriées, envisagées, préfigurées. Toutes, sauf celle-ci. Les guêpes. Les guêpes géantes qui surgirent de nulle-part pour s'abattre sur l'espèce humaine en une épouvantable nuée. Des millions d'insectes énormes déchaînés contre une humanité réduite en quelques jours aux abois.
Ceci est l'histoire d'une guerre. La plus étrange et la plus totale de l'histoire...
Critiques
Le roman cataclysmique est devenu, traditionnellement pourrait-on dire, une spécialité anglaise. A cause peut-être de la situation géographique d'un pays qui a, de tous temps, redouté les invasions. Depuis H.G. Wells ou Sir G.T. Chesney (Bataille de Dorking : les Prussiens en Angleterre — 1871), de nombreux écrivains se sont donc essayés à ce thème avec plus ou moins de bonheur. Keith Roberts a donné avec Les Furies l'un des plus beaux récits du genre.
La démarche est simple : des guêpes géantes — création extra-terrestre — envahissent peu à peu la Terre ; la population tente de résister en même temps qu'elle doit subir les effets de séismes provoqués par diverses expériences atomiques ; les structures sociales s'effondrent tandis que des groupuscules prennent le maquis. Finalement, la nature seule aura raison des envahisseurs.
On croirait, à quelques détails près et en remplaçant certains mots ou certains noms, lire un épisode des Maquis d'Auvergne ou du Vercors. Je veux dire que le réalisme est poussé à un point tel qu'un parallèle devient possible et que le lecteur, sans que l'intérêt en souffre, n'est jamais pris au dépourvu : il s'enfonce peu à peu d'un univers connu à un autre univers connu, de l'environnement douillet et apparemment immuable qui caractérise notre époque à ce monde de l'horreur qu'ont connu pas mal d'entre nous voilà pas si longtemps, chaque palier de la descente aux enfers constituant le seul aboutissement d'une situation irréversible.
Mais la réussite tient aussi à ce que le groupe de réfractaires réfugiés, dans les cavernes du Chill Leer bénéficie de toute l'attention de l'auteur qui a su rendre merveilleusement la vie commune et les individualités qui l'animent. Une excellente étude de la société britannique, en somme, et un récit trépidant de la première à la dernière page.
Les Furies est l'histoire d'une guerre, la plus étrange et la plus totale de l'histoire, celle déclarée au genre humain par des guêpes géantes et déchaînées. Les Furies, tel est le nom qui avait été donné, dans l'antiquité, aux créatures qui tourmentaient les pauvres âmes pour leurs péchés. Pour quelles fautes commises, l'humanité doit-elle payer cette malédiction venue des cieux ? Et ces guêpes gigantesques, sont-elles réellement de monstrueux insectes, fruits vénéneux des retombées nucléaires, ou bien la forme démoniaque revêtue par quelque mystérieuse Entité ? Dans la grande tradition britannique du roman cataclysmique, Les Furies est un roman solide et haletant qui se lit d'une traite, dans l'attente inquiète du vrombissement fatal. Et on n'oubliera pas de lire — ou de relire — Pavane, le chef d'œuvre de Keith Roberts qui avait fait équipe avec Les Furies en 1971 au CLA, récemment réédité par Le Livre de Poche.