Apprendre au contact de l'eau que l'on possède des branchies est déjà, pour certains, une révélation passablement saisissante.
Se voir ensuite convié par la femme de sa vie à un festin d'anthropophages a de quoi surprendre les plus blasés. Surtout lorsqu'on vient d'être arraché brutalement, comme Esteban, à l'existence paisible d'un homme de science sans pitié qui ne naîtra que dans quatre cents ans.
Mais, quelles épreuves n'affronterait-on, pas pour atteindre le paradis des « Improbables », au terme du fabuleux voyage temporel accompli par les transfuges de Babelia et de Kaltarborog.
Kurt Steiner, alias Kurt Wargnar, alias Kurt Dupont, est l'un des pseudonymes d'André Ruellan, né en 1922, et qui après avoir accompli ses études médicales s'est essentiellement consacré à la littérature d'imagination. Dans le domaine de la science-fiction, il a publié, notamment aus éditions du Fleuve Noir, Menace d'Outre-Mer, Le Disque Rayé, le 32 Juillet. Parmi ses romans fantastiques, en cours de réédition, dans la collection Presses Pocket, on signalera en particulier Je suis un autre, Pour que vive le diable, Fenêtres sur l'obscur.
Critiques
BIEN FAIT
Couverture inspirée de Siudmak-en phase avec le texte. Pour convaincre que la SF française de valeur ne date pas d'après 1968. Une variation sur les thèmes d'illusion temporelle, qui tient bien le coup à coté des Van Vogt ou Asimov publiés en France en 1965. L'intrigue est claire, les horizons suggestifs, les personnages crédibles, les « effets d'histoire » drôles, les « effets de mœurs » exotiques à souhait (cannibalisme rituel) mais justifiés (biologie). De plus, les sentiments sont moins stéréotypés que chez Asimov, tout en étant aussi fous que chez Van Vogt. Et les rôles Homme/Femme moins figés dans les schémas patriarcaux — voire l'évolution de Gélia. Un livre qui reprend la machinerie de Les rois des Etoiles, mais qui lui donne une consistance. Comment ? Par des inventions ponctuelles (les « singes » avec Talky Walky — hommage à Boulle ; la gifle très « Gabin » du « macho » — distanciée) inventions qui se situent dans une conception très « humour noir/rose ». Peut-être aussi par les récurrences du « monde de Steiner » : biologico-cosmiques par exemple — se souvenir de la fin des Océans du ciel, et voir la fin de ce roman-ci. Ces sortes de « clés » renvoient aussi au sens de la « chute », que Steiner partage avec le Wul du Fleuve Noir de l'époque. Chute qui illumine ; à la fois explicative et esthétique : sidérante (si l'on traduit ainsi le « sense of Wonder ») — et à la limite du canular. Peut-être enfin en ce que le récit est l'affabulation de ses propres conditions de genèse. Bel exemple de réussite que cette histoire lisible à des degrés divers, et toujours passionnante. De quoi donner envie de plonger dans le flux du Fleuve Noir, pour en extraire d'autres pépites.