Mermere...un immense continent habité par les noés, des êtres humains chassés de la terre à la suite d'une étrange catastrophe. Depuis on les traque et on les considère comme d'impitoyables guerilleros. Voilà plusieurs générations que les noés vivent dans des domaines sous-marins, parlent avec les cétacés et élèvent leurs enfants dans les bercements de la houle. Ce sont les êtres les plus gais qui soient, et ils vivent en parfaite harmonie avec leur élément...
Mermere, c'est l'histoire d'Horn, un enfant noé aux yeux pourpres, qui découvre le monde où il est né. Les paysages échevelés des tempêtes, les domaines lointains, l'amour pur des dauphins, et... la terre. Cette terre ravagée, grignotée par la folie des mégalopoles où se cache un homme d'état inquiétant qui, lentement, resserre ses filets...
Horn est à la croisée des chemins : parce que son père est un vaillant guerrier, descendant des fondateurs noés, il connaît toutes les forces vives de son royaume, et parce que sa mère, transfuge, est née dans une mégalopole, il pressent que le destin des noés se confond avec celui des terriens. Un aveugle lui ouvrira les portes de la perception, une dauphine lui apprendra la sagesse.
Le lecteur qui aura lu cet ouvrage comprendra ses éditeurs qui comparent Mermere à 20.000 lieues sous les mers.
Jamais depuis Jules Verne, n'avait été écrit un roman aussi beau, aussi captivant, aussi fort.
Critiques
LE BONHEUR EST SOUS LA MER, COURS-Y VITE...
Un inconnu, qui produit un livre bizarre et que la prière d'insérer badigeonne en « prospective-fiction écologiste ». Méfiance ! De plus c'est un gros pavé de 390 p., et comme le temps passe vite, on se dit : holà ! Eh bien non. On ne s'ennuie pas. Sous ce pavé, à défaut de plage (hé !) tout un monde de noés, ex-terriens vivant dans l'eau, sous l'eau, font l'amour comme des marsouins, la course avec les dauphins. Ce monde là est mis en place d'entrée, un effet de « déjà-là » superbe : un enfant, Horn, est en proie à un cauchemar : un monstre rugueux, vert, l'enserre — l'enfant hurle, sa mère nage vers lui, il raconte, elle en suggère la clé : l'enfant a rêvé d'un arbre — chose qu'il n'a jamais vue. Toute une première partie de 5 à 6 chapitres extraordinaires, qui nous donne à voir ce monde où la liberté c'est le jeu avec/dans/par l'eau (ces descriptions jaillissantes d'océan, de tempête, de ciel avant/pendant/après les orages valent toutes les fantaisies inspirées sur les lichens rosés et les champignons hexagonaux qu'on trouve dans les planètes neuves, pour donner un goût étrange venu d'ailleurs (pub gratuite !)). Parallèlement, par bribes, l'histoire des noés, leurs rapports avec les terriens, leurs lunes dans une trame d'apocalypse. En fait, rien de très neuf là-dedans : comment se forme une secte ? En s'éloignant comme Abraham d'Ur, comme les puritains sur le Mayflower. Ce qui change ici, c'est que grâce à l'okam (du japonais Claude Okamoto, responsable des jolies lettrines qui ouvrent chaque chapitre ! démasqued ! ! !) ce n'est pas une utopie rigide et totalitaire. Ils peuvent vivre dans l'eau, en symbiose avec la mer, par bandes plus ou moins patriarcales, à chercher des algues, attraper les poissons, jouer avec les baleines et discuter avec les cétacés. Par rapport aux Utopies, c'est un changement qualitatif important. Comme celui de Brunner dans sa Planète folie.Reste qu'ils sont dépendants des Terriens, et en lutte contre eux. Ceux-ci envoient leurs déchets dans l'espace, mais ça revient cher — vont-ils les déverser comme avant dans les océans ? Oui mais alors les noés ? Cette articulation Espace/Mer/Terre est au centre du roman : elle passe par la nécessité d'une réconciliation. On en voit les prémices : la mère de Horn est une astronaute qui a amerri et qui est restée, Horn sera prisonnier sur terre, s'évadera... Au-delà de la scission, un avenir est suggéré, mais pas donné. Moins que ces aventures et l'aspect allégorique, ce qui m'a embarqué c'est cette présence d'un quotidien marin, la place du jeu dans l'eau, à la manière des dauphins (dont on sait qu'ils ont précédé les hommes dans le domaine du développement cervical, et que leur choix de retourner à la mer d'où leur race — comme la nôtre — sortait est peut-être la preuve de leur avance intellectuelle !) La mer, source de tout plaisir, liquide amniotique, bonheur parfait, accord avec l'univers fœtal. Plus presque celui trouvé par les semi-phoques jupitériens de Simak dans Demain les chiens.A lire en vacance, bercé par le bruit des pompes à purin qui tentent de ramasser la marée noire, l'œil fixé sur le cimetière des dinosaures de mer que sont l'Amoco Cadiz, le Bolhen, l'Olympic Bravery, le Torrey Canyon d'où les pétrels englués tentent un envol impossible vers le soleil écœuré. L'auteur est un journaliste qui vit dans une île en Bretagne.
Sous une couverture bleue de bon aloi, où se détachent par transparence les silhouettes de plusieurs mammifères marins, les éditions ActuSF ont exhumé pour la rentrée de janvier un roman de Hugo Verlomme, paru en 1978 chez JC Lattès. En glanant sur l’internet quelques informations sur l’auteur, on découvre que celui-ci a écrit de nombreux ouvrages consacrés à la mer, des romans dont beaucoup émargent du côté de la jeunesse, mais aussi des guides dédiées à l’univers marin, au surf et au voyage. Bref, une œuvre qui semble toute entière baigner dans l’écologie, avec comme milieu de prédilection la part aquatique de la planète bleue. Mermere, dont le titre ne laisse planer aucun doute, immerge sans préambule le lecteur dans un futur pas si éloigné de notre présent. L’élévation du niveau des océans y a redessiné les côtes, repoussant l’humanité plus loin à l’intérieur des terres, sans pour autant avoir mis fin à ses nuisances qui continuent de s’écouler vers le large sous forme d’effluents toxiques et de plastiques. Et pourtant, mobilis in mobile, les noés veillent à l’équilibre marin, loin de la folie des terrestres, mais non sans susciter leur crainte et leur hostilité. Noah, Horn, Masha, Noémi, Loul et bien d’autres, toute une communauté a trouvé refuge sur les pentes d’un volcan sous-marin. Humains adaptés à la vie aquatique, transfuges échappés des mégalopoles terrestres où ils étouffaient, dauphins, orques et baleines, tous forment un collectif vivant sous la menace de terrestres n’ayant pas renoncé à leur mode de vie destructeur, sous le regard des étoiles, où d’autres planètes les attendent. Peut-être.
Le propos new age de Hugo Verlomme n’aura sans doute pas échappé au lecteur attentif. Le discours écologiste transparaît en effet rapidement, la terre mère étant ici remplacée par l’eau salée des océans, substitut au liquide amniotique d’où a émergé la vie. Mais, si le côté baba cool attire la sympathie, le discours un tantinet antiscience, perclus de pensée magique, de Mermere, a de quoi agacer, venant sans cesse achopper sur le même écueil qui consiste à assimiler la technologie au mal absolu. Indépendamment de ce point fâcheux, Mermere est également un roman extrêmement mal construit, pâtissant d’un déséquilibre entre deux parties pesant respectivement 200 et 50 pages. Même en passant sur les multiples personnages dont le charisme d’huître ne déparerait pas dans un roman jeunesse de la pire espèce, on ne peut guère sauver grand chose de ces poncifs auxquels on ne s’attache pas un instant. Quant à l’intrigue, on doit se contenter d’un long récit d’aventures sans queue ni tête, certes jalonné de quelques fulgurances poétiques, mais dont le rythme décousu, dépourvu de tension dramatique, donne envie à plusieurs reprises de s’exclamer : c’est assez ! Fort heureusement, le respect dû aux mammifères marins nous oblige au silence.
Si Mermere suscite une curiosité polie, l’enthousiasme espéré ne tarde pas à céder la place à un ennui abyssal contraignant le chroniqueur à se murer dans un monde de silence, accablé. À noter que Hugo Verlomme est revenu dans l’univers des Noés avec un second roman intitulé Sables, les enfants perdus de Mermere. Inutile de dire que l’on n’épuisera pas le marché de l’occasion pour le retrouver.
Laurent LELEU Première parution : 1/4/2020 Bifrost 98 Mise en ligne le : 6/1/2024