Exhumer les enregistrements mythiques d'une diva des années trente, maintenant oubliée et enterrée, peut se révéler périlleux. Surtout que des légendes courent sur son brutal retrait de la scène. Frane en fait la mortelle expérience. Cécile qui lui succède va vite saisir que la folie subite et le suicide au goudron de Frane, son amie rivale, étaient fondés sur une abomination sans nom. Comment désigner cette menace ? Nuit ? Noir ? Encre ? Une chose est sûre, elle est prête à dévorer l'humanité qui ne se doute de rien. Cécile pense qu'il faudrait que le monde devînt blanc pour échapper à l'appétit de la menace noire, venue d'outre-espace par météorite spéciale. Blanc, tout blanc. Mais elle sait bien qu'on ne la croira pas ou qu'on la croira trop tard. Alors elle se tait.
La nuit du venin : le titre de ce roman n'est pas très bien choisi. Il est un peu banal, brussolotivement parlant. Le contenu, quant à lui, respecte les traditions imaginatives de l'auteur qui sont la morbidité et la richesse. Brussolo s'est, semble-t-il, définitivement débarrassé des maladresses qui émaillaient ses premiers romans, notamment les péripéties inutiles et les descriptions étouffantes d'un univers étouffant. Il cisèle maintenant des livres très structurés dans lesquels ses inventions toujours aussi superbes et noires s'emboîtent les unes dans les autres à la ligne près. Les romans de Brussolo sont devenus des modèles d'équilibre où l'on ne s'ennuie pas, quand bien même l'action reste en retrait du descriptif.
Brussolo est un phénomène dans la Science-Fiction française. J'en veux pour preuve le fait qu'on se sent obligé de l'adorer ou de le détester. C'est un auteur qui ne peut laisser indifférent. Ça ne constitue certes pas un critère de qualité. Ça prouve seulement qu'il détient dans son art une part certaine d'originalité.
A ceux qui ne le connaissent pas encore, je ne peux que conseiller de le découvrir ; en Présence du Futur (Denoël) pour ses recueils de nouvelles et des premiers romans, au Fleuve Noir Anticipation pour la suite de son œuvre.
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/9/1987 dans Fiction 389
Mise en ligne le : 17/4/2003