Pierre Pelot est né en 1945. Auteur d'environ 70 romans publiés, dont 18 sous le nom de Pierre Suragne, il a obtenu le Grand Prix de la Science-Fiction française 1978, pour son Delirium circus publié par J'ai Lu.
Pour Noman, c'est le bonheur : il est enfin admis dans le Domaine de l'Oeil, le paradis des Citoyens... Assistés, sécurisés, gouvernés - surveillés - par le Programme et la Loi. Le contraste total avec Hors-Vue, le pays natal de Noman, qui n'est que misère et anarchie...
Un pays que l'Oeil veut d'ailleurs conquérir et où les Scruts - ses agents - s'infiltrent... Déjà le chanteur contestataire Girek, auteur de Parabellum tango, a été interdit de T.V. Il lui reste les rues.
Dans l'attente de sa nomination au très haut poste de Veilleur, Noman est envahi de malaises, de pensées étranges - coupables...
...tandis qu'à Hors-Vue, Girek, traqué, se tait. Il ne chantera plus Parabellum tango mais continuera la lutte, avec d'autres armes...
Critiques
En ces jours où une nouvelle génération d'écrivains américains franchit nos frontières (Butler, Varley, Cherryh, Vinge, Scott Card, Bishop, Gotschalk, Robinson, et les autres, tous renouant avec une certaine tradition classique mais possédant un souffle bien personnel), la jeune SF française va avoir fort à faire. N'oublions pas qu'une partie de sa gloire lui est venue du fait de la politique de certains éditeurs, consistant à piller sans vergogne les fonds de tiroir les plus, lamentables de quelques « noms », comme Van Vogt ou Dick, pour n'en citer que deux.
Mais Pierre Pelot n'appartient pas au peloton des suiveurs de mode, il serait plutôt de ceux qui drainent les imitateurs. Curieusement, et c'est regrettable, il reste aux yeux du public moyen un bon auteur, alors qu'il en est un très grand, un des plus puissants de sa génération. Le noyau dur des fans de SF, et j'en suis, criera encore au génie avec ce Parabellum tango, que l'on aurait bigrement aimé voir allongé et publié en « Ailleurs et Demain » par exemple. Pelot n'aime pas trop les courses de vitesse, leur préférant le demi-fond dans lequel il donne le meilleur de lui-même.
Pelot le sait mais n'aime guère que l'on le lui répète, pourtant c'est évident : il produit trop. Ainsi, pratiquement chacun de ses romans laisse le lecteur avec un petit creux à l'estomac. Les limitations de longueur font une fois de plus que Parabellum tango n'est toujours pas la grande œuvre de Pelot, que l'on attend depuis quelques siècles. Donnez-lui 600 pages, nom de nom, et l'on verra ! Il n'en reste pas moins que ce roman donne la plus juste mesure de l'immense talent de Pelot-Suragne, monstrueux, protéiforme, diabolique...
En ce temps-là, le monde était divisé en deux zones : le Domaine de Hors-Vue, terrifiant, grouillant de misère et d'anarchie, et celui de l'Œil, non moins terrifiant dans son asepsie totale et immuable. Woodyn Noman, natif de Hors-Vue, est enfin admis comme citoyen de l'Œil, un bon citoyen même, promis à une vie parfaite, à une carrière exemplaire, pour autant qu'il obéisse à la Loi de l'Œil, et à son code de Loi personnalisé... Anton Girek, lui, est une star sur le déclin, un de ces petits Dylan de banlieue comme tout système un rien répressif (lequel ne l'est pas ?) sait en sécréter, un Le Forestier gaucho bon ton en quelque sorte, chantant l'amûûr (toujûûr...), la misère, la révolte... tâcheron qu'une société libérale avancée propulse parfois dans les charts, pour légitimer quelque peu l'opposition pseudo-révolutionnaire et se dédouaner un rien.
Noman/Girek, deux mondes qui, bien que ne se rencontrant jamais, n'en restent pas moins intimement liés l'un à l'autre, comme l'Œil l'est avec la Hors-Vue.
Le roman me semble un rien inachevé, le travail fantastique auquel s'est livré Pelot pour donner une cohérence à cet univers n'est qu'à peine exploité, tout comme*cette idée extraordinaire des animaux de compagnie, consciences-mouchards, qui ne sert en définitive qu'à introduire un élément « énigmatique » dans ce qui devient, sur la fin, une enquête policière débrouillée par un Hercule Poirot en jupons. Mais que de sous-entendus qu'un écrivain peut-être moins pressé aurait utilisés pour construire une fresque à la dimension des Yeux géants (pour lequel j'avais toutefois fait la même remarque), Dune ou Tous A Zanzibar.
Malgré ces petits défauts, dus uniquement, je le répète, aux longueurs réduites imposées par la collection, tout au moins pour les auteurs français, Parabellum tango est indiscutablement le livre du mois. De toute façon, un livre portant sur sa couverture un chat en premier plan, et se terminant par cette phrase : « Woodyn Noman a toujours aimé les chats », ne pouvait qu'être le livre du mois. Aussi vrai qu'il n'y a rien de bon à attendre de quelqu'un qui n'est pas au service d'une tribu de chats, celui qui les aime ne peut être tout à fait mauvais. Bien que Pierre Pelot, m'a-t-on dit, préfère les chiens...