Un cri bref m'échappa quand un enfant unijambiste se matérialisa tout soudain au pied de mon lit.
Un enfant nu, au crâne rasé, la peau brune, le nez imperceptiblement busqué, les yeux très noirs. Un garçon de sept ou huit ans qui, un doigt sur la bouche, faisait le signe du silence.
J'étais suffoqué. II ne pouvait pas être là, et il y était ! Je l'avais distinctement vu apparaître, comme dans un tour magique particulièrement réussi.
L'instant d'avant, la base de mon lit était vide, l'instant d'après, un petit garçon assis, sa jambe unique repliée, se trouvait là.
Je le regardais, ahuri, incrédule, puis une explication logique me vint : les expériences commençaient à produire un effet, et j'avais des hallucinations.
Critiques
AVEC CHALEUR...
A propos du premier roman de Gilles Thomas, Les hommes marqués (FN n° 737), Andrevon écrivait dans sa rubrique « A lire ou pas » : « Une trame touffue, mais un sens aigu de l'action, une écriture sèche, style roman noir, et un bon ancrage visuel font de ce roman une réussite certaine sur laquelle plane l'ombre de Stefan Wul... » L'autoroute sauvage était un livre meilleur encore, et Andrevon écrivait : « ... on dirait du Suragne tout craché ! Pierrot se cacherait-il sous un nouveau pseudo ? »
Ces deux références en forme de clin d'œil m'avaient fait supposer que Gilles Thomas était Andrevon lui-même. JPA jure qu'il n'en est rien, et l'identité de ce jeune homme en colère reste fort mystérieuse.
Les ratés (FN n° 818) n'a pas la vigueur ni l'éclat des précédents, surtout La mort en billes, suite de L'autoroute sauvage. C'est un roman plus intimiste, plus lent — mais non languissant — dans lequel s'assemblent avec un certain bonheur aventure policière, fantastique psychologique et anticipation à court terme.
Le début, qui relate les errances d'un chômeur à la recherche d'un emploi, tombe en pleine actualité et exhale un léger parfum d'autobiographie qui ne peut pas tromper. Le Fleuve Noir rejoint « Ici et maintenant » : c'est la faute à la réalité...
Le récit est écrit à la première personne avec aisance et vraisemblance. Avec chaleur — cette chaleur qui semble devenir une caractéristique des meilleurs ouvrages du Fleuve. Et le héros, après les aventures et mésaventures que vivent en ce moment même des centaines de milliers de gens, trouvera une drôle de situation. Dangereuse... Il sera cobaye, il se révoltera naturellement et deviendra membre d'un groupe de plus-qu'humains... Gilles Thomas trouve en cours de route une idée géniale : un peu trop tard pour l'exploiter... L'ombre qui plane sur cet auteur est celle du talent.