Tant qu'à faire, puisque Philippe Hupp (le directeur littéraire d'Anticipation) a décidé de jouer le jeu des étiquettes, je ne vois pas pourquoi il a classé ce roman en « Métal » plutôt qu'en « Délirius », où pour ma part il me semble qu'il aurait très bien trouvé sa place...
C'est qu'il s'est bien défoulé, Dunyach ! Après le sérieux hiératique, la beauté froide, la passion cérébrale, de ses romans précédents, ça fait tout drôle de se retrouver plongé dans l'univers, disons... décadent, de Roll over, Amundsen !
Amundsen, c'est le nom du héros, pardon, du personnage principal. Nationalité : américain. Profession : rockeur. Enfin, ça, c'est ce que nous affirme l'auteur. Parce que pour ma part je n'aurai pas vu de différence s'il avait été chanteur de country ou crooner... Année : hum... quelque part dans un futur proche et pas trop probable (espère-t-on !).
Ça commence très fort : Amundsen et son lamentable manager, Freeky, reviennent juste d'une tournée particulièrement ratée, qui les a amenés jusqu'en Californie, totalement irradiée... Ils y ont perdu leurs accompagnateurs, et pour se remettre en selle Amundsen va jouer au gala de... décès, d'une vieille célébrité. « Le mec qui est là-dessous est un ancien pianiste d'au moins quatre-vingts ans, pourri de fric. Il est fini, plus coté à l'argus, alors il a voulu enregistrer sa mort comme dernier tube. Caprice de star... » Faut dire que la mort est singulièrement désacralisée dans cet univers-là : les accompagnateurs qu'Amundsen a perdu en Californie, c'étaient de zombies. Des cadavres que l'on anime à grand renfort de technologie pseudo-cyberpunk...
Le plan foireux suivant que Freeky sort de sa manche est un concert au pôle Sud. Enfin, sous couvert d'un concert pour les japonais qui occupent une ancienne base américaine là-bas, des espions nostalgiques de l'indépendance états-unienne devront voler des plans. Mais quel concert : avec un orchestre symphonique au grand complet (accessoirement, il s'agit de l'orchestre de Detroit, on a retrouvé tous les cadavres intacts après le bombardement — et encore plus accessoirement, ça fait décidément pas très rock'n'roll, ça, un orchestre symphonique, Jean-Claude !).
La scène du concert au pôle Sud, devant un public de pingouins, est un des très grands moments de délire de ce roman. Mais ce n'est pas la dernière : la fuite sur la banquise, traînés par les zombies en frac, les multiples magouilles et mésaventures en Australie, les démêlés avec Franck et Lennon, les deux espions, rien de tout ça n'est exactement triste !
Jean-Claude Dunyach s'est amusé à broder sur son expérience de musicien (non, pas de rock, mais de variété) pour construire ce bouquin complètement détraqué et fort bizarre. La SF n'est pas vraiment au cœur de Roll over, Amundsen !, puisque le seul élément authentiquement science-fictif est constitué par les « zombs ». Tout le reste est le récit frénétique et burlesque des galères lamentables d'un mauvais chanteur dans un monde déglingué... Une comédie de SF, en quelque sorte.
On n'érigera pas ce roman au rang de chef-d'oeuvre, on notera simplement qu'il s'agit d'un divertissement plaisant et, somme toute, original !
André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/8/1993 Yellow Submarine 103
Mise en ligne le : 4/3/2004