Univers-bonsaï, Faluce n'est pas un camp de vacances de tout repos. Dans cette histoire, dont les chapitres peuvent bouger comme les carrés d'un rubick-cube, ni l'action ni les personnages ne sont à leur place habituelle. Qui sont les vrais acteurs de ce roman ? Qui le raconte ? Choisissez votre place dans cette mosaïque, dans cette mécanique paranoïaque où il n'est pas prévu de rôle pour les innocents...

     Le Klub inventé par Yves Frémion, c'est un peu, beaucoup, à la folie, le Club Méditerranée. Il le réinvente, le place dans le cosmos, sur Faluce, astéroïde minable qui n'a rien à offrir, l'installe dans une opulence glauque dont le slogan publicitaire aurait pu être : « Sous la plage, le phallus ».

     Il s'amuse, nous amuse. Mais ne nous y trompons pas, ses propos ne sont pas gais. Il décrit l'affligeant, le lâche, le ridicule, le pitoyable, le sexe sale, le sexe anesthésié et hygiénique.

     D'un côté, il y a les paras, entendrez par là les membres de l'encadrement du Klub. Ils sont bronzés, gorgés d'assurance, pétris de confiance en eux, beaux comme des dieux, creux comme des troncs morts. De l'autre, les bougnoules, entendez par là les touristes, ceux qui casquent, ceux qui recherchent sur Faluce un certain type de dépaysement, aucunement exotique, simplement au ras des fesses ; exotisme du sexe guidé comme il y a des voyages organisés, des bals chez les pompiers ou des repas cotillons-turlututu chez les personnes âgées. Mais dans ce beau sexe symphonique, dans ce ron-ron de colonie de vacances pour chimpanzés handicapés, il y a la ronge. D'abord, ça empêche certaines personnes du Klub de dormir certaines nuits. On pense à des termites. On oublie. Et puis tout à coup, la ronge explose. C'est la planète entière qui ronge, la vie qui s'est enkystée sur sa surface : éruptions volcaniques, raz-de-marée, termites géants, mutants.

     La belle société de Faluce est balayée. Presque tous les Klubistes meurent dans des circonstances tragiques, écœurantes, violentes, folles. C'est le grand nettoyage.

     Une planète qui s'auto-nettoie, voilà le spectacle auquel nous convie Ronge. Frémion exécute son idée avec originalité. Son Klub, on y croit.

     Un titre percutant. Un roman qui l'est presque autant. Ne le manquez pas ; rares, en effet, sont les Fleuve Noir Anticipation qui échappent aux schémas traditionnels de la Science-Fiction populaire.