EN PAYS DE CONNAISSANCE...
Jan (prononcez lan) de Fast, c'est une bonne trentaine de romans parus dans la collection Anticipation du Fleuve. Vers les premiers mois de 1972, avec le numéro 495 de la collection, les lecteurs découvrent un nom nouveau : de Fast. Un titre :
L'envoyé d'Alpha.
Un trimestre plus tard, ce sera : Pierre Suragne,
La septième saison.
Faste saison que celle-là. Sans jeu de mots.
« Membre itinérant du Centre démographique d'Alpha — le Conseil suprême de la Fédération des Planâtes Unies — il passait le plus clair de son temps à effectuer des voyages de découvertes et d'études galactiques aux confins de l'Expansion... » (
Dans la gueule du Vortex, p. 1 ). Et plus loin : « Mais autre chose pouvait aussi l'attirer car sa vraie profession était celle d'épidémiologiste... » Dans la pratique de l'aventure, Alan est surtout un médecin, disposant de la prodigieuse technique développée à la fin du XXIII
e siècle par la civilisation galactique. Mais il s'entend très bien avec les sorciers, chamans et guérisseurs qu'il rencontre sur les mondes où il opère.
Ces planètes sont terramorphes : il est important de le souligner. Elles sont généralement peuplées d'Extra-Terriens qui ne sont pas des extraterrestres. Autrement dit : ce sont des humains, fort peu différents des Terriens. Ces mondes sont des Terres mythiques, sur lesquelles l'auteur situe des aventures hugaines. Cela est tout à fait vrai de son avant-dernier roman,
Les esclaves de Thô, (FN n° 808) et un peu moins de
Seules les étoiles meurent (FN n° 823), le dernier. On peut trouver que l'exotisme manque un peu dans cette œuvre. On n'est jamais vraiment dépaysé dans la galaxie fastienne. On se retrouve presque toujours en pays de connaissance. On rencontre des sortes de Tziganes, des Walkyries, des Vahinés, toutes sortes de races et de sociétés qui sont proches des races et des sociétés de la Terre. Qu'importent Alpha, le Blastula (la nef du Or Alan) et les sécantes hyperspatiales. Ce sont des conventions commodes. En réalité, on nous parle sous le masque de la Terre et des hommes. Avec verve, chaleur et intelligence. C'est le plus souvent agréable et excitant.
Dans Seules les étoiles meurent on retrouve le classique triangle fastien : la civilisation galactique dominante — mais non dominatrice — que représente le Dr Alan, la société primitive, simple, libre et heureuse, et l'autre civilisation évoluée, mais bloquée et déshumanisée. Bien qu'Alan reste une fois de plus fidèle à Alpha et à « Nora chérie », la calculatrice géante, la sympathie de l'auteur va sans nul doute aux Thanis, ces Polynésiens blonds qui vivent heureux dans leurs cabanes et ont de l'amour une conception décadente. « Incidemment, pour Alan, ce terme de décadence n'avait nullement le sens de régression, il représentait simplement une libération par la refus des tabous arbitraires et donc un nouvel élan évolutif, »(p. 49). Belle profession de foi.
Comme d'habitude chez de Fast, beaucoup d'action et d'érotisme. La touche de hard science, chère à l'auteur du merveilleux Quand les deux étoiles se coucheront mêle ici l'astronomie et... la gynécologie ! Comme chante Guy Béart :
Je suis voyageur des rayons
L'étoile est ma destination
Et :
Je suis voyageur des passions
L'amour est ma destination.
(Guy Béart : Futur, Fiction, Fantastique, disque RCA, présentation d'Igor et Grichka Bogdanoff, pochette de Moebius).
Voilà le Dr Alan.
L'érotoubib est absent des Esclaves de Thô. Un xénobioliogiste nommé Arven, qui lui ressemble comme un frère, ou plutôt comme Tarzan ressemble à John Carter, prend sa place aux commandes et aux rênes, ainsi que dans le lit des filles. « Sur la planète océanique Thô, le stade civilisation humaine est comparable à celui de la Rome antique, sauf que la race des maîtres est noire alors que celle des esclaves est blanche... » Différence qui n'est pas négligeable et permet à Jan de Fast de jeter ça et là quelques notes humanistes bien venues. Les Noirs esclavagistes sont plutôt débonnaires. Quant au sort des esclaves blancs, les ouvriers de quelques usines chimiques actuelles le jugeraient sûrement enviable. Les femmes blanches sont aussi belles que dans un film de Cecil B. de Mille. Les séduisantes Noires ne tardent pas à s'attacher l'esclave Arven, après son triomphe aux Jeux. Justement, elles ne connaissaient pas grand-chose à l'amour. Et le xénobiologiste va leur donner des leçons particulières très efficaces. La xénobiologie est quand même une belle science : je regrette de ne pas l'avoir étudiée à la place des maths modernes ! Et tout finit par un massage... Un bon récit d'aventures et d'erotic-fantasy à la française.
Ces deux romans sont très distrayants mais restent un peu en deçà des meilleures œuvres de l'auteur.
Michel JEURY
Première parution : 1/3/1978 dans Fiction 288
Mise en ligne le : 5/2/2011