FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions
(Paris, France), coll. Anticipation n° 600 Dépôt légal : 1er trimestre 1974 Première édition Roman, 256 pages, catégorie / prix : nd ISBN : néant Format : 11,0 x 17,5 cm Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Alors que le Dr Alan s'était normalement endormi dans sa résidence de la planète Alpha, au cœur de la Fédération, il se réveille brusquement sous le soleil violet d'un monde inconnu, se retrouve nu, seul et désarmé face à une nature hostile. Est-il le jouet d'un cauchemar ou, sinon, comment et pourquoi est-il là, de l'autre côté de la galaxie ? Il réussit à s'intégrer à une civilisation humanoïde primitive, découvre qu'elle est tributaire d'une autre race plus évoluée, réussit à prendre place sur une grossière fusée. Mais, à son tour, l'engin archaïque est projeté dans un impossible déplacement extradimensionnel pour atterrir encore plus loin. Alan sera prisonnier d'une troisième race aussi avancée que lui-même et il est toujours seul, toujours désarmé et de surcroît condamné à mort. Pourtant il comprend parfaitement qu'il doit détruire cette civilisation...
La prolifération des collections (et ce n'est pas fini, mes petits !), la croissance exponentielle des titres (avant la table rase de 1976) vont nous obliger de plus en plus à adopter, pour nos critiques, le mode télégraphique — en somme à faire du Dorémieux/Bertrand, sans toutefois pousser la malice jusqu'à raconter notre vie entre les lignes, ni révéler notre marque de whisky favorite non plus que notre accompagnement musical. Il va sans dire que les « Anticipation » du Fleuve vont souffrir au premier chef de cette mesure. Mais comme nous les retrouverons, increvés, et parmi les rares survivants, à l'aube de 1977, le mal ne sera pas trop grand. Et de toute façon, les amateurs — il y en a ! — savent à quoi s'en tenir, savent quoi acheter.
Scheer et Darlton, par exemple : certains y voient des tendances fascistes. Allons donc ! Militaristes, tout au plus, avec le système de hiérarchisation que cela suppose, et le culte du héros qui s'y rattache. Mais le space-opera étant basé sur l'attaque de méchants extraterrestres, faut bien des militaires, fussent-ils mutants pour les repouser : on ne peut pas demander ça aux écologistes pacifistes et végétariens... A part ça, pas de surprise : une intrigue toujours solide, et d'infinies variations sur les archétypes, à Les exilés d'Elgir,c'est la colonisation d'un monde habité par de sympathiques êtres-force par des bagnards tout aussi sympathiques, à L'invasion des invisibles,c'est l'attaque des planètes terrestroïdes par... des créatures invisibles qui font disparaître tout le monde. Beaucoup e de suspense, et une suite impatiemment attendue. C'est vrai : nous, Denis Philippe, nous aimons ça !
La fantastique énigme de Pentarosa, au titre ronflant, est bien dans la nouvelle manière de Robert Clauzel, qui a heureusement abandonné les galipettes galactiques des Eridaniens pour se concentrer sur notre planète, dans des ouvrages qui pourraient aussi bien être les hôtes d'« Angoisse » et d'« Anticipation ». Il nous conte cette fois comment une invasion de spores proliférantes couvre la Terre, laquelle n'est sauvée in extremis que par un subtil tour de passe-passe temporel. Ça s'avale comme du petit lait : Clauzel sait camper un décor, solliciter l'inquiétude... Son meilleur ouvrage, avec La terrible expérience de Peter Home.
Louis Thirion aussi sait tracer les grandes lignes d'un décor envoûtant et éprouvant. Comme dans son précédent ouvrage, Métrocéan 2031, nous retrouvons la Terre hyper-polluée... Mais cette fois, il ne s'agit pas de notre proche avenir, mais du lointain passé : en somme, nous n'avons rien inventé. Mais la pauvre Terre livre en même temps une guerre désespérée au Rwool, qui implante dans les humains ses larves et ses cerveaux-chenilles,dans le but d'en faire ses esclaves. Le Rwool voulant conquérir l'avenir en ayant infiltré ses larves dans des hibernés, des patrouilles de « chevaliers temporels » se lancent vers le futur (notre présent) pour essayer de les contrer. Je ne vous dirai pas comment Rwool est vaincu à notre époque car j'e n'ai rien compris à la chute du roman, mais vous avez pu vous rendre compte que le tout n'est pas piqué des vers. Thirion semble avoir composé son livre à une allure record, dans un laxisme total quant à la composition et à la cohérence. Ou alors il était dans un état d'ébriété avancé. Et malgré tout, c'est assez amusant, à cause justement du climat de folie qui baigne l'ensemble... Devrait plaire aux amateurs de la « new thing ».
Jan de Fast, avec Les tueurs d'âme, continue, accroché aux basques de son héros le docteur Alan, sa vaste fresque socio-historique de l'âge de l'espace. Moi Denis, nous Philippe, aimons bien Jan de Fast, humaniste sincère, écrivain au métier confirmé, aux connaissances scientifiques sérieuses et toujours bien introduites dans la trame de ses récits. La rigueur qui le caractérise est pourtant en partie absente de son dernier ouvrage, qui reste un peu décousu dans les projections successives qu'Alan doit subir de planète en planète, jusqu'au moment où il tombe sur une race évoluée qui fabrique des esclaves décervelés à la peau symboliquement noire. Alan détruit dans l'œuf cette menace, mais se rend compte qu'il a été manipulé pour ce faire par les « Primordiaux », en qui on aura reconnu nos amis les Grands Galactiques, bien utiles pour résoudre les énigmes qui dépassent la compréhension d'un héros moyen. Toute la partie sociologique de l'ouvrage est très satisfaisante (description des différentes humanités rencontrées), mais la finale sent un peu trop le fabriqué, et nous souhaiterions que Jan de Fast abandonne ses Primordiaux pour revenir à des récits plus concis du genre de son précédent roman, l'intéressant Cancer dans le cosmos.
Les cinq romans que nous venons d'aborder à la vitesse de l'éclair faisaient partie des livraisons de février et mars, une très bonne cuvée moyenne, d'où nous avons soustrait ce qui eût pu être, sans profit pour personne, esquinté. Que de sagesse, que de grandeur d'âme !