Les basilics fascinaient l'ennemi du regard. Les harpies plongèrent avec des cris aigus, déféquant et cinglant l'air de leurs serres. Les loups-garous attaquèrent de flanc. En haut sur les falaises, les dragons déployèrent leurs ailes. Rien n'y fit. Grâce au vieux Mor, la magie blanche triompha de la magie noire. Pol Detson, l'héritier de la dynastie maudite, n'était qu'un enfant au berceau : on l'épargna, mais, par précaution, on l'envoya dans un monde parallèle. En échange, on y préleva un bébé qu'un simple sergent adopta.

Malheureusement, dans l'autre univers, la science avait triomphé de la magie. Vingt ans après, l'enfant de nulle part s'intéressait trop aux machines et le vieux Mor comprit son erreur : fallait-il faire revenir Pol, au prix d'une autre vie ? Et au prix d'une guerre entre la science et la magie, entre celui qui croyait à la vengeance et celui qui n'y croyait pas ?

 

Né en 1937 à Cleveland (Ohio), l'auteur du Maître des Ombres est un brillant styliste de la S.F. américaine. Un Livre d'Or lui a été consacré par Marcel Thaon.

     L'enfant tombé de nulle part s'ouvre sur une atmosphère classique d'Heroïc-Fantasy. Cependant, au bout d'une dizaine de pages, tout bascule dans un univers différent, mêlant la Hard-Science au premier genre. Cette brusque évolution que rien ne laissait présager est parfaitement introduite par Zelazny et nous surprend.

     Un magicien, encore nourrisson, est transporté sur un monde moderne où on le troque contre un autre bébé qui prend place dans la société médiévale propre aux pays de l'Heroïc-Fantasy. Aussitôt, ou presque, des bouleversements importants interviennent dans les deux mondes. Mark, l'enfant moderne, cherche à installer le règne de la science là où flotte l'étendard de la magie. Les villageois qui l'ont adopté n'acceptent pas cette intolérable immixtion dans leur vie simple, lis chassent l'enfant prodigue qui se laisse alors dominer par l'idée de leur imposer les bienfaits de la science coûte que coûte.

     Que faire ? Rien, sinon aller chercher le magicien exilé et le ramener sur son monde natal afin qu'il le débarrasse de la menace scientifique symbolisée par Mark. A la suite de quoi s'engage une bataille sans merci entre la science et la magie, comme autrefois...

     Ce qu'il y a dans ce roman à la fois de farfelu et de passionnant, c'est la confrontation de deux pouvoirs immenses et antithétiques : ceux du rationnel et de son contraire.

     Zelazny suggère par son intrique d'une simplicité déconcertante et d'une maîtrise non moins admirable que ces deux formes de puissance ne peuvent coexister dans un même univers. Elles s'affrontent selon un processus inévitable. Et c'est la guerre. Et c'est la destruction.

     Dans L'enfant tombé de nulle part, la magie prend le dessus à deux reprises. Ça n'est pas un hasard ; l'auteur défend son jardin privilégié. Les dragons jouent avec les vaisseaux aériens, le magicien se bat avec les cordes de sa guitare pour armes et les monstres légendaires se mesurent aux mutants issus d'une technologie hautement sophistiquée.

     Savez-vous qu'il existe de l'autre côté d'un réseau de cavernes antiques un monde que nous avons la faiblesse de croire légendaire ? Et que ce monde, de la même manière, tient notre univers pour légende ?

     Le roman de Zelazny entrouvre une porte sur ce monde-là. Empruntez-la. La lecture en vaut la chandelle.