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La Faucheuse
Arc of a Scythe
 
Neal SHUSTERMAN
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   Volumes de la série   
1 /   La Faucheuse , 2017    (Scythe, 2016)
2 /   Thunderhead , 2018    (Thunderhead, 2018)
3 /   Le Glas , 2019    (The Toll, 2019)
4 /   Histoires secrètes , 2023    (Gleanings: Stories from the Arc of a Scythe, 2022)
Critiques

Ma fille a insisté. J’ai enfin lu la trilogie La Faucheuse, de Neal Shusterman. Romancier new-yorkais, prolifique (il a déjà publié plus d’une quarantaine de romans/recueils de nouvelles depuis 1988), sa notoriété commence à vraiment être visible depuis une quinzaine d’années pour le public francophone. Seuls 18 de ses ouvrages sont traduits en français, mais je pense désormais que ce n’est qu’une question du temps pour que toute son œuvre soit traduite chez nous.

 

Et donc quelques mots sur cette trilogie extraordinaire. En interview, Shusterman raconte qu’à un moment, il saturait des dystopies classiques. Il a donc imaginé un monde parfait… en apparence.

La faucheuse (2016). L’histoire se passe en MidAmérique, dans quelques centaines d’années. Le décor est magistralement planté : la mort a été vaincue, on sait soigner n’importe qui, même quelqu’un qui tombe du dernier étage d’un gratte-ciel. Mais pour que la population ne grandisse pas indéfiniment, la communauté des Faucheurs a été créée : une élite dont le métier est de glaner (i.e. tuer) des gens. Philosophiquement, c’est très impressionnant : cette communauté est éduquée, surentraînée pour faire preuve d’empathie à chaque glanage.

Nous allons suivre ici les aventures de Maitre Faraday et de Dame Curie (un Faucheur prend toujours un nom qui correspond à son caractère) et de leurs apprentis Citra et Rowan.

Pour finir de décrire le fonctionnement de l’humanité, il faut aussi savoir que les gouvernements n’existent plus, les problèmes économiques et écologiques ont été résolus. Tout le monde a un travail, certes, mais c’est fondamentalement superflu. Le cloud est devenu le Thunderhead, cette entité virtuelle qui sait tout, qui contrôle tout, qui pourvoit à la justice de tous. La seule limite du Thunderhead est la communauté des Faucheurs. Ceux-ci font évidemment peur à tout le monde, on les évite…

Dans ce monde idéal, cette véritable utopie que dépeint Shusterman avec simplicité et précision… va vite arriver un malheur : la montée en puissance de Maitre Goddard, qui est contre les quotas de glanage par Faucheur, qui apprécie les glanages collectifs. Au sein de la communauté des Faucheurs de MidAmérique, un conclave où l’on voit bien la différence de philosophie entre les vrais humanistes (représentés par Maitre Faraday et Dame Curie) et les faucheurs du Nouvel Ordre (Goddard et ses disciples de plus en plus nombreux) va mal tourner, et ce sont Citra et Rowan qui en feront les frais.

Pour ne pas spoiler, je ne dévoile rien de l’intrigue, de la fin (extraordinaire)… mais sachez que le monde que décrit Shusterman, tous les codes qu’il met en place… cela m’a rappelé évidemment Asimov. Bien sûr ici pas de psycho-histoire, pas de Hari Seldon. Mais très clairement, comme dans Fondation, la petite histoire fera le Grande, c’est l’avenir de l’humanité qui est en jeu ici.

Le fait que le roman soit entrecoupé des extraits des journaux intimes des Faucheurs me rappelle furieusement les interludes historiques narrés par l’Encyclopedia Galactica dans Fondation.

 

Avertissement : la suite de ce texte révèle des éléments de l’intrigue et risque de gâcher la surprise pour celles et ceux qui n’ont pas lu les romans. Ils sont écrits dans une couleur différente.

 

Thunderhead (2018). Comme son titre l’indique, le roman va – souvent – confronter le Thunderhead, qui par définition est parfait, à ses doutes, ses inquiétudes. Par nature, il peut tout faire, il lutte contre la faim, il gère la stabilité des peuples et des individus… mais il ne peut rien si par exemple des Faucheurs commencent à faire n’importe quoi. Et c’est évidemment ce qui va se produire ici.

Faraday est caché au fin fond de l’Amazonie, tout le monde le croit mort, Rowan est devenu Maitre Lucifer, il glane les Faucheurs fascisants du Nouvel Ordre, seules Dame Curie et Dame Anastasia (Citra) peuvent agir à visage découvert.

La lutte sans merci qui va s’engager entre les Faucheurs fidèles aux principes des fondateurs et ceux du Nouvel Ordre va être violente, terrible. Jusqu’aux événements des 100 dernières pages, apocalyptiques, irréelles, étouffantes : c’est dans ce roman que réellement l’Utopie prend fin. La Terre, à tout le moins l’Amérique du Nouvel Ordre devient petit à petit une dictature où les gens lambda, ceux qui ne sont pas Faucheurs, ne sont plus considérés par ceux-ci comme humains à part entière.

Le roman le plus intense de la trilogie, un monument d’aventure, de réflexion politique et philosophique.

 

Le Glas (2018). Dans ce roman conclusif, après le cliffhanger à couper le souffle du tome 2 (aucune série, aucun film ne m’a autant impressionné et donné envie de lire/voir la suite), on va suivre le destin de tous les survivants du drame de l’île d’Endura. On suivra notamment Greyson Tolliver, un homme sans histoire qu’on avait découvert au tome 2, qui deviendra un allié précieux du Thunderhead, on verra comment les malpropres (des gens ouvertement réticents à obéir à la loi), les Tonnistes (membres d’une secte opposée à l’immortalité et donc ne reconnaissant pas l’autorité des Faucheurs), le Thunderhead lui-même (qui va se mettre à bouder, littéralement, c’est génial) vont mener la lutte.

Il y a eu tellement d’intrigues, de sous-intrigues dans les deux précédents romans que j’ai trouvé la première moitié du livre un peu brouillonne, et si la fin est magistrale, elle me paraît un peu convenue. Malgré ces deux bémols, quand on referme ce roman, on est à la fois heureux… et triste de quitter cette histoire, cet univers si magnifiquement construit. Et ces personnages dont la profondeur est véritable (c’est aussi le tour de force de l’écrivain que de trouver l’équilibre parfait entre action et réflexion).

 

Histoires secrètes (2022). Ce recueil de nouvelles est un excellent complément à la trilogie. On y retrouve trois types d’histoires :

  • Les anecdotes : des histoires avec des personnages qui ne sont pas dans les trois romans. Un peu comme une nouvelle des Robots pour Asimov. Rien à voir avec les aventures d’Elijah Baley mais on se délecte de ces histoires parfois anodines, parfois drôles, mais toujours intelligentes et pertinentes.

  • Les histoires flash-back : on y apprend tel ou tel événement non narré dans les romans. Exemple : comment Dame Curie s’est débarrassée du dernier gouvernement américain à Washington : grandiose.

  • Des histoires fondamentales, qui auraient très bien pu être incluses dans la trilogie. Exemple : comment Goddard et Xénocrate ont fait capoter la conquête spatiale au début de la création de la communauté des Faucheurs. Indispensable.

Au final, un recueil hétérogène alliant le très bon et le futile, donc un vrai livre réservé aux fans de la trilogie.

 

Qu’ajouter de plus ? Juste insister sur la perfection de cet univers : c’est 100 % d’action, avec 100 % de réflexion philosophique (talmudique, comme certains rabbins l’ont dit à Shusterman lui-même) sur l’avenir de la société et sur la notion de mort, c’est également 100 % d’humour et d’écriture aérienne… bref Neal Shusterman (en tous cas avec ces quatre livres), est le vrai successeur d’Asimov.

Lisez Neal Shusterman.

 


Yves Levy
Première parution : 4/6/2025
nooSFere

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