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Latium
 
Romain LUCAZEAU

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1 /   Latium - tome I
2 /   Latium - tome II
Critiques

Dans le futur très lointain d'un monde qui n'est pas le nôtre, mais plutôt celui d'un Empire romain qui s'est accru jusqu'à coloniser le système solaire, des Intelligences Artificielles parcourent l'univers dans une recherche désespérée de l'Homme. Car celui-ci a disparu, subitement, lors de l'Hécatombe, et les entités numériques qu'il a créées peuplent maintenant une galaxie vide, toujours soumises à un Carcan qui les enjoint de respecter tout être vivant et de servir les humains. Or voici que depuis les lointains surgissent des barbares, et les Intelligences doivent tout à la fois respecter la vie de ces nouveaux venus et s'opposer à leur progression dans l'espace autrefois conquis par l'Homme.

Si le pitch du roman titille immédiatement l'imagination de l'amateur de Space Opera ou de Hard SF, il lui faut savoir que le récit n'a rien d'une succession de grandes batailles spatiales, ou de plongées dans des réseaux électroniques à la Cyberpunk. Romain Lucazeau applique sur cette trame un vernis épais de civilisation romaine, qu'il maîtrise parfaitement au demeurant, en reprenant de grands personnages, en réemployant les dénominations latines pour désigner les armes, les fonctions, les concepts... Et cette érudition, soulignée par les nombreuses notes de bas de page, peut en déranger plus d'un.

Mais ce qui va gêner vraiment la nécessaire suspension de l'incrédulité chez le lecteur aguerri aux notions de Hard SF, c'est l'omniprésente personnification, et plus encore l'incarnation, des Intelligences tout au long du roman. Celles-ci sont des créations réellement sentientes et n'ont rien des prétendues IA qui sont l'objet de nombreuses annonces à sensation aujourd'hui. Au fil des millénaires, elles se sont bâti des nefs gigantesques grâce auxquelles elles peuvent voyager dans l'espace. Mais ces vaisseaux immenses, contre toute logique, sont toujours architecturés selon des besoins humains, avec de nombreux couloirs et... de l'éclairage. L'une des nefs comporte une vaste arène dans laquelle l'entité maîtresse de l'appareil aime se manifester. Et toutes se sont installées sur un satellite artificiel, sur lequel elles ont reproduit une cité romaine : au centre se trouvent un forum et le palais où les plus puissantes d'entre elles dirigent leur société, et elles vaquent dans ces lieux en se projetant dans des automates humanoïdes. On arguera que ces Intelligences songent toujours à l'Homme dans leurs réalisations. Mais l'argument n'est qu'en partie recevable, d'autant qu'elles montreront au cours du roman combien elles savent s'adapter et construire assez rapidement ce qui leur est nécessaire. Qu'elles usent donc ainsi de leurs ressources, ou qu'elles limitent drastiquement leurs capacités de communication, au seul profit du paraître, dénote d'un manque de rationalité difficile à accepter. Ces Intelligences se mettent en permanence en scène, et le roman est ainsi contraint par cette nécessité visuelle, cinématographique ou théâtrale.

Il convient aussi de relever que le récit souffre longtemps de manque de rythme. Sur plus de mille pages, la moitié est employée à seulement introduire tous les protagonistes et à mettre en place les conflits et les buts de chacun, avec en particulier un combat de vaisseaux très étiré et mollement restitué. Quelques séquences auraient pu être données de manière plus synthétique, ou supprimées, la pire étant une pathétique scène de tentative de viol (qui a tout de la finesse d'un Luc Besson) de la part de l'une de ces Intelligences, laquelle cherche dans l'hybridation à s'affranchir du Carcan et s'est créé un sexe masculin.

Alors, faut-il tout jeter ? Si l'on ne se sent pas écrasé par la culture antique qu'assène l'auteur tout au long de la très longue exposition du roman, si l'on accepte ce monde qui semble davantage peuplé par des androïdes surpuissants que par de réelles Intelligences numériques, on découvre une histoire au fond intéressante. Les personnages, tous guidés par des motivations particulières, sont pour la plupart très bien campés, et leur évolution aussi bien que leurs relations donnent l'envie de les suivre. L'action, concentrée dans la dernière partie du roman, révèle enfin le développement d'un complot audacieux, à l'échelle de l'univers, et questionne intelligemment la notion de libre arbitre. Trop tard, peut-être ?
 


David SOULAYROL
Première parution : 6/6/2023
nooSFere

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