Hari Seldon vient d’achever les enregistrements destinés aux descendants de la Fondation. Il peut espérer mourir en paix. Mais Horis Antic, fonctionnaire de l’empire, ne l’entend pas de cette oreille et propose une théorie sur les mondes-chaos qui propulse Seldon et toute une équipe à la recherche de sa confirmation. Une course folle s’engage dans le plus pur style
space opera : rebondissements, courses dans l’espace profond, complots, robots aux courants humanistes variés et… même la rencontre de R. Daneel Olivaw superstar, grand protecteur de l’humanité, qui manipule tout et tout le monde depuis vingt mille ans.
Dans sa postface, David Brin indique : «
Il n’est jamais facile d’écrire une histoire située dans un univers créé par un autre auteur ». Dans
Le Triomphe de Fondation, il fait plus que de se situer dans cet univers, il s’y noie littéralement ! L’amateur éclairé trouvera des allusions à presque tous les livres d’Asimov et même aux trilogies robotiques supervisées par le Maître. Tout est bon pour raccrocher à l’intrigue un petit quelque chose d’Asimovien. On peut citer des descendants de personnages, des anecdotes et des récits détournés pour servir la trame du roman. Ainsi, l’accident de manipulation qui dans
Cailloux dans le ciel a envoyé le piéton Joseph Schwartz dans l’avenir est devenu ici une faille spatio-temporelle, bien gardée et maîtrisée, également destinée à envoyer Seldon dans l’avenir ! Malheureusement, à ce petit jeu, bon nombre des intrigues des romans d’origine sont dévoilées.
Certains considèrent que les préquelles
L’aube de Fondation et
Prélude à Fondation divulguent trop la suite de la saga. Avec ce récit, on dispose d’un véritable condensé du cycle de Trantor et du cycle des robots.
La manipulation des personnages Asimoviens prête aussi à discussion. Ainsi, Hari Seldon est ramené au statut de simple pion entre les mains de Daneel Olivaw. Ce dernier est à l’origine de tout depuis vingt mille ans, y compris la création de l’Empire, Trantor, la chute de l’Empire, Gaïa, etc. C’est peut être extrapoler un peu loin les visées bienveillantes du robot millénaire.
Les robots, par leur comportement, ressemblent à des caricatures de courants idéologiques humains. Ils ont des opinions diverses et surtout très tranchées sur la façon de sauver l’humanité. Ils sont prêts à transgresser toutes les règles, ou tout au moins à les interpréter librement, pour atteindre leur but. Ainsi, les différents clans n’hésitent pas à s’entretuer au cours d’une bataille rangée, abandonnant sous les tirs croisés, mais soi-disant controlés, les humains présents. Au diable les conflits positroniques !
Le thème du chaos considéré comme une maladie de l’esprit qui afflige l’humanité entière est intéressant en soi. Il est peut-être même en filigrane dans l’œuvre du bon docteur, comme l’indique d’ailleurs David Brin dans ses explications finales. En revanche la tentative d’intégration au plus près dans l’œuvre est à la fois trop large et trop précise. Au lieu d’écrire un épisode de plus dans la saga avec quelques allusions au passé, l’auteur utilise le passé pour construire un plan qui n’est rien d’autre que l’explication de tout ce qu’il va se passer dans le futur ! Une annexe très bien faite donne d’ailleurs dans le détail tout le calendrier de l’ensemble de l’histoire galactique.
«
Après Fondation en péril
et Fondation et chaos
, le point d’orgue de la plus grande saga de science-fiction de tous les temps », précise la quatrième de couverture. Il serait intéressant de savoir dans quel esprit et dans quel but David Brin a conçu ce récit. Malheureusement, il préfère en garder le secret : «
Je pourrais m’étendre sur les raisons pour lesquelles j’ai écrit cette nouvelle strate comme je l’ai fait, mais à ce stade, je préfère m’abstenir de tout commentaire. » C’est bien dommage. Une telle introduction orienterait le lecteur dans sa façon d’appréhender le texte : un nouvel épisode ou une explication détaillée de l’histoire de l’empire ?
Cette trilogie ravira tous ceux qui aiment le space-opera mais qui ne connaissent pas l’œuvre d’Asimov, ou encore les quelques fanatiques soucieux de voir l’œuvre achevée. Elle laissera très sceptiques ceux qui, comme moi, pensent qu’il vaut mieux laisser au lecteur le plaisir de découvrir et de construire l’Histoire du Futur avec les très nombreux livres écrits ou validés par le Maître lui-même.
Fabrice FAUCONNIER (lui écrire)
Première parution : 1/6/2000 nooSFere