Si vous avez vu le film I.A. (Intelligence Artificielle), Sky-Doll vous semblera très familier, aussi bien sur le fond que sur la forme, avec sa mégalopole noyée sous les néons roses et mauves et ses androïdes dédiées aux plaisirs des visiteurs de passage (dont elles nettoient les vaisseaux dans une sorte de car wash spatial, ce qui entraîne quantité de sous-entendus graveleux vu la forme équivoque de ces derniers). Bref, Sky-Doll est sous (bonne) influence. Le paradoxe, c'est que cette société visiblement très libérée est sous la coupe d'un ordre religieux qui utilise l'avatar d'une madone pour mieux manipuler les foules (vieux cliché de la science-fiction). L'aspect plus inhabituel de cette thématique, pourtant usée jusqu'à la corde et qui a perdu depuis longtemps tout aspect subversif (l'ultime provocation consisterait plutôt, aujourd'hui, à donner une image positive des religions, fin de la parenthèse), c'est que le culte ici présenté est une croyance charnelle et sensuelle : sa madone et ses saintes font des apparitions quasiment nues devant une foule exaltée, et la morale judéo-chrétienne que nous connaissons en est totalement absente. Par ailleurs, elle autorise l'utilisation des Sky-Dolls, employées comme exutoires par les hommes frustrés en mal d'affection. Cette approche un peu vicelarde des choses sacrées présente le mérite de nous faire comprendre assez rapidement que, dans Sky-Doll, le but n'est pas de dénoncer quoi que ce soit ou de nous faire la leçon, mais simplement de s'amuser avec les codes d'une institution perçue comme très austère par la plupart des gens. Et pourquoi pas : si on ne peut pas se lâcher en BD, alors où... Ceci nous amène au destin de Noa, une Sky-Doll qui va s'enfuir dans l'astronef d'un client et ainsi échapper aux griffes de « Dieu » (son patron, détenteur de la clé qui lui permet de vivre en la « remontant » régulièrement) pour découvrir que sa destinée est liée à celle d'une papesse disparue mais encore adulée par quelques hérétiques, pendant que sa sœur Ludovique règne sur la religion unique (les deux sœurs incarnant respectivement l'esprit et le corps, soit la pureté et la luxure, si j'ai bien compris).
L'édition des plus grands succès de Soleil dans un petit format vendu 2 euros, dans la collection Solo, permettra à tous de découvrir Sky-Doll sans se ruiner. Ce premier tome a surtout un but d'exposition, mais on peut déjà remarquer un superbe graphisme (qui doit beaucoup aux mangas) associé à des couleurs parfaitement choisies et nuancées. Quant au fond, Sky-Doll réussit sans peine ce qui, à mon sens, constitue le plus grand challenge d'une histoire : imposer des personnages immédiatement charismatiques, ce qui nous incite à nous intéresser à leur sort pour la suite des événements. Un seul mot me vient à l'esprit pour décrire Sky-Doll : sympathique. L'atmosphère, le dessin, les couleurs, les multiples sous-entendus coquins, jamais vulgaires... La BD est bourrée de bonnes idées (les Sky-Dolls suspendues à des fils comme des marionnettes), et tout ceci nous épargne la lourdeur d'une satire religieuse un peu trop appuyée. Fait assez rare pour être signalé : la BD est diffusée aux USA par Marvel, rien de moins.
Florent M. 02/03/2009
|