Dans ce troisième tome, non sans ironie, l'Ikigami se voit remis au fils d'une présidente de parti politique, fervente partisane de la loi autorisant l'injection de la capsule mortelle destinée à enseigner aux jeunes la « valeur de la vie ». Malgré ce que l'on pourrait croire, la mort imminente de son fils — qu'elle délaisse depuis son enfance au profit de sa carrière politique — ne va pourtant pas inciter cette femme obtuse à remettre en question son engagement, bien au contraire. Dans le même temps, le jeune fonctionnaire chargé de remettre l'Ikigami poursuit ses questionnements et la remise en cause de sa mission, sans pour autant cesser d'accomplir son rôle, et ce malgré toutes les répercussions que sa terrible tâche implique pour sa vie privée (rupture avec sa petite amie, absence de vie sociale, etc.). Le second sketch, un brin téléphoné (une jeune aveugle assistée par son grand frère a besoin d'une greffe de cornée ; bien entendu, ce dernier va recevoir l'Ikigami...), n'en demeure pas moins poignant. Comme nous le savons maintenant, l'imminence de leur mort incite les victimes de l'Ikigami à dévoiler le meilleur ou le pire d'eux-mêmes ; mais dans cette dernière histoire, c'est le personnel de tout un hôpital qui va s'associer au plan du bureaucrate porteur de la mauvaise nouvelle et du condamné désigné pour sauver la vue de la jeune aveugle.
Bien que l'opinion affichée de l'auteur soit clairement en défaveur de cette loi absurde, nous constatons une nouvelle fois son objectivité puisqu'il n'hésite pas à développer les effets « positifs » qu'elle peut parfois entraîner sur l'entourage de la victime. D'ailleurs, il paraît évident que le personnage du bureaucrate humaniste empli de doutes et tiraillé entre son humanisme et les nécessités de son job n'est rien d'autre qu'une incarnation de Motorô Mase, lui-même contraint de décerner l'Ikigami à ses personnages tout en s'impliquant émotionnellement dans leurs derniers instants. Son rôle apparaît ainsi de plus en plus important, faisant de lui un acteur de premier plan et pas seulement un « passeur » guidant les vivants vers le monde des morts. Sans trop s'avancer, gageons que son rapprochement affectif avec une jeune psychologue, désormais employée par l'établissement d'État qui l'emploie, favorisera davantage sa remise en question (voire peut-être sa rébellion ?).
Florent M. 13/07/2009
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