Lorsque l'on s'entretue sous l'emprise de la haine, on se retrouve projeté dans une sorte de purgatoire peuplé de créatures monstrueuses, en compagnie de celui sur qui cette haine s'est focalisée. C'est ainsi que le shérif Metzger, un nazillon aussi bête que méchant, et Bird, un noir aussi gentil que futé, vont se retrouver dans cet entremonde appelé Lazarr, incapables de s'éloigner l'un de l'autre de plus de quelques mètres. La situation pourrait rester bloquée là pour l'éternité, si le shérif n'avait pas amené avec lui son revolver affectueusement baptisé Lee Harvey. Dans le monde de Lazarr, cet objet devient le « Graal noir » dont cherchent à s'emparer Aabel et Kaïn, les tout premiers « siamois » de cet étrange univers. Car le Graal noir a le terrible pouvoir de pouvoir tuer les morts !
Si l'entrée en matière se déroule en 1965, c'est dans un univers de fantasy très proche de la série Donjon que nous invitent les frères Larcenet. On y retrouve les mêmes créatures farfelues, les mêmes situations absurdes, le même humour décalé et ravageur... Ici l'humour se fait cependant plus noir pour dénoncer sans ambiguïté le racisme et la haine, et même si la dénonciation ne se veut guère subtile, la drôlerie de l'ensemble est suffisamment irrésistible pour que le message passe sans difficulté. Seul le dénouement contraste désagréablement avec le ton général de l'album, car sa morale laisse en effet le lecteur un peu dubitatif : il n'y aurait pas d'autre réponse à la violence que la violence ? Il faudrait obligatoirement réagir à la haine par la haine ? Une conclusion plus légère et moins démonstrative aurait sans doute mieux servi le propos.
En dehors de cette réserve, l'album est un régal, bourré de trouvailles et de réparties hilarantes, qu'agrémente un dessin vif et expressif. On aurait même souhaité que les auteurs prennent le temps de développer davantage cet univers riche en possibilités, mais peut-être y reviendront-ils dans un prochain album...
Pascal Patoz nooSFere 31/07/2000
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