Comment aborder Freesia ? Comment en parler ? Que penser de Freesia ? En toute honnêteté, me voilà contraint de critiquer un manga que je ne suis même pas sûr d'avoir compris, incapable de déterminer si je l'ai apprécié ou non.
Freesia s'inscrit dans cette vague de mangas réalistes à fond social, comme Ikigami. Au sein d'une société engagée dans une guerre mystérieuse (on ne sait pas très bien qui se bat contre quoi et pourquoi), le droit à la vengeance est officiellement autorisé et des « exécutants » ont pour rôle d'accomplir la basse besogne. Les familles des victimes de crimes odieux peuvent donc réclamer l'exécution des coupables, et ces derniers savent à quel moment ils seront abattus. Ils ont toutefois le droit de se défendre, de se faire défendre par un garde du corps, ou de réclamer l'aide d'un protecteur commis d'office.
L'intrigue suit le parcours d'un jeune homme engagé en tant qu'exécutant. Mais là où les choses se compliquent, c'est que le personnage est bourré de névroses, et que l'histoire est racontée de son point de vue. Sorte de mix entre un geek et l'Étranger d'Albert Camus (il observe les événements se dérouler avec une passivité glaciale), Hiroshi s'adresse à des gens que personne ne voit, est suivi par une nuée de corbeaux, vit avec sa mère paralysée et muette, aux côtés d'une jeune femme délurée (mais tous ses personnages existent-ils ailleurs que dans son esprit ?). Ce garçon est sérieusement dérangé, et le lecteur n'a pas d'autre choix que de voir le monde à travers son esprit de sociopathe, sans vraiment savoir à quel point de la réalité se raccrocher. Une seule chose est sûre : Hiroshi doit tuer les victimes désignées par son patron, et il fait montre d'un incroyable professionnalisme mêlé à un sang-froid troublant dans l'exécution de sa tâche. Son aptitude exceptionnelle à tuer est-elle liée à son passé militaire, à sa nature de psychopathe, au goût du travail bien fait, ou à un peu de tout cela ?
Freesia intrigue. Un personnage anti-charismatique au possible, un choix narratif étrange, un dessin inégal, parfois proche de l'amateurisme, une violence insoutenable, des scènes de sexe sans justification... Pourtant, force est de constater qu'il se passe quelque chose à sa lecture... car la démarche de l'auteur est trop audacieuse et extrême pour rester sans propos et sans but. Mais que vous dire de plus, si ce n'est de vous inciter à vous faire un avis par vous-même ? Soyez toutefois prévenu : vous adorerez ou vous détesterez Freesia. Il n'y a pas d'alternative.
Florent M. 19/03/2010
|