Dès les premières pages, rapide exposition des faits : la planète Ether a été coupée en deux par une guerre impitoyable et si les combats ont cessé, l'air demeure irrémédiablement empoisonné, obligeant chaque habitant à absorber quotidiennement une gélule d'Anti-P. Le Pr Glister annonce cependant la mise au point d'un gaz qui assainirait l'atmosphère, tandis que les dirigeants en place s'inquiètent de cette invention qui risquerait de faire revenir la fédération terrienne et qui les priverait en outre de la source de revenus que constitue l'Anti-P. Lorsque Ether Glister – la femme du professeur – s'apprête à faire la démonstration de ce gaz, elle est rapidement prise au piège d'une manipulation et se trouve ainsi accusée d'un meurtre qui l'oblige à prendre la fuite.
Voilà résumée la trame sur laquelle va se nouer l'intrigue, assez simple puisque limitée, dans ce premier album, à une fuite en avant de l'héroïne, improbable épouse d'un savant que l'on suppose âgé. Improbable car elle semble avoir reçu un entraînement dans les forces spéciales d'intervention tant elle est spectaculairement douée pour les évasions musclées. Mais est-elle vraiment ce qu'elle prétend ?
Le scénario de Ferlut n'est ni attachant, ni inventif, ni amusant. Il se laisse lire, mais le récit demeure conventionnel, enchaînant mollement des péripéties prévisibles. Le côté dominatrice d'Ether Glister séduira sans doute les amateurs de femme guerrière, mais l'intérêt de cet album réside avant tout dans le dessin de Yoann, qui, s'il était déjà intéressant dans Ninie Rézergoude, atteint ici une belle maîtrise. Le trait est original, volontairement peu réaliste, et – qualité ou défaut ? – varie d'une page à l'autre, au point que les personnages sont parfois méconnaissables, au point qu'Ether peut paraître belle ou laide selon les moments. Le coup de pinceau est palpable, ce qui donne une sensation de matière au dessin. En outre, la couleur est cette fois utilisée de façon extrêmement libre, alors que les teintes de Ninie Rézergoude demeuraient sombres et ternes. Finalement, cette couleur est peut-être le personnage principal de l'album, car elle vole ici la vedette à l'héroïne,
L'album vaut donc le détour pour le travail graphique de Yoann, mais il ne marquera guère les mémoires car le talent très particulier du dessinateur ne se révélera sans doute pleinement que dans une histoire démesurée, loin des conventions narratives habituelles.
Pascal Patoz nooSFere
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