« Suite à un conflit qui dura 8 ans, un fragile armistice est signé au Cap en 1926 entre l'Alliance (regroupant l'Europe et la majorité des états africains et arabes), le N.A.T.T. (composé de l'Amérique du nord, de l'Amérique latine et des Caraïbes) et la ligue sino-soviétique. » Cette phrase n'est que la première d'une longue introduction retraçant le contexte historique et géopolitique de l'album : entre autres faits marquants, le cancer a été vaincu dès 1929, tandis que l'Europe a été totalement détruite en 1941 ! Il s'agit plus d'un univers parallèle que d'une véritable uchronie : pas de point de divergence historique explicite, et surtout pas de justification des événements qui auraient pu conduire à ce vingtième siècle très en avance scientifiquement, puisqu'en 1964 – date à laquelle débute le récit – les clones et les nanotechnologies sont déjà des techniques anciennes... On peut d'ailleurs s'interroger sur l'utilité de ce choix : pourquoi placer au XXème siècle un récit qu'il aurait été aisé de situer en 2064, voire même en 2164 ? L'intérêt pourrait être d'établir des parallèles historiques, mais l'Histoire alternative qui nous est contée est si différente de la nôtre que cela est impossible. Un autre intérêt pourrait être de mettre en scène des figures du XXème siècle – par exemple un JFK qui aurait échappé à l'attentat de Dallas – mais le scénariste n'utilise pas cette possibilité, tout au moins pas dans ce premier album. Alors pourquoi... ?
Mais peu importe ! La richesse de cet univers géopolitique et la densité du scénario est une surprise très agréable. S'il faut faire un effort pour mémoriser les informations initiales, Jean Wacquet nous plonge ensuite dans un récit d'action sombre et mouvementé qui retient sans difficulté notre attention. La trame pourrait être celle d'un comics : l'héroïne, nommée Tessi, apprend qu'elle est un clone initialement conçu pour être une arme ; elle rejoint quelques-uns de ses semblables pour former une équipe de super-héros qui va essayer de sauver le monde... Si la trame est bien là, le récit est cependant loin d'être aussi caricatural. La complexité des conflits d'intérêts entre les différentes factions, la personnalité violente de Tessi et la découverte de sa véritable nature, l'importance du contexte scientifique (la nanotechnologie permettant de justifier – de façon plus ou moins crédible – des éléments que nous pourrions qualifier de purement « fantastique ») sont autant d'éléments qui intriguent et captivent le lecteur.
Le graphisme de Karl Tollet, lui aussi très inspiré des comics, est de même très efficace : violent et tourmenté, malgré les poses affectées de quelques pin-up, il colle ainsi parfaitement à l'ambiance de l'univers décrit.
Au total, S.C.A.L.P. (de Science, Clonage, Armement, Logistique, Pacification) est une série qui démarre brillamment... A suivre !
Pascal Patoz nooSFere 11/12/2000
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