Une force singulière, liée à la fois à l'ambition du scénario et au graphisme superbe de Denis Bajram, se dégage de ce premier album d'une série prévue pour en comporter six.
Car le scénario est ambitieux. D'emblée les titres des albums et les passages de la curieuse Bible de Canaan, qui ouvrent chaque chapitre, indiquent qu'il s'agit d'une histoire qui dépasse la cadre d'une banale guerre interstellaire. C'est de l'univers entier dont il est question, et probablement même de davantage...
Ce sont pourtant de simples individus qui sont au centre du récit, des êtres humains ordinaires, mais tous porteurs d'un lourd passé et de sentiments complexes. Cette équipe de personnages aux caractères tranchés, que réunissent l'espoir d'une rédemption, n'est pas en soi très originale, mais Bajram réussit à rendre crédible leurs histoires et à en faire des personnages archétypaux, confrontés à une situation elle-même archétypale : le noir absolu, l'inconnu (le mal ?)...
La construction non chronologique de l'intrigue contribue à l'efficacité : le lecteur est immédiatement plongé au coeur de l'action, et la compréhension des situations ne vient que progressivement. Les personnages ne sont d'ailleurs présentés que vers la fin de l'album. Tout ceci permet l'installation d'une tension qui ne se relache pas un instant, et lorsque la dernière page arrive, le but est parfaitement atteint : on est impatient de savoir ce que cache le Mur !.
Le dessin somptueux, en particulier sur l'espace qui est représenté avec un relief saisissant, et l'utilisation de couleurs contrastées, le plus souvent un noir d'une rare profondeur et un rouge-orangé crépusculaire, renforcent encore cette tension.
En bref, un album hautement recommandable pour les amateurs de bande dessinée de science-fiction.
Pascal Patoz nooSFere 15/01/1999
Le Mur est apparu sans que personne ne s'y attende. Le Mur, un gigantesque corps céleste obscur, centré sur un des satellites d'Uranus, menace improbable et poudrant bien réelle pour les états fédérés de la Terre. Un mystère de trois millions de kilomètres de diamètre. L'escadrille Purgatory est un ramassis de gibier de potence, officiers-pilotes, techniciens en système de navigation et autres ingénieurs en physique spatiale condamnés à la cour martiale et à qui l'armée laisse une dernière chance. Une équipe de têtes brûlées, atypique au sein de la troisième flotte de l'United Earthes Force. Bref des éléments tout désignés pour aller se frotter à cette Chose obscure qui étend son ombre sur la Terre... Universal War One c'est une aventure spatiale sans monstres baveux ni space-magiciens (ça viendra peut-être ?), une intrigue réaliste et très crédible qui commence en beauté. Ce premier tome met en place tous les éléments du suspens. Ça part bien, comme au cinéma, on se cale confortablement au fond de son fauteuil et on oublie de bouffer ses pop corns. On avait fait la connaissance de Denis Bajram avec Cryozone, une série sortie chez Delcourt et scénarisée par Thierry Cailleteau. Cryozone était un thriller spatial, une sorte de Nuit des morts vivants version space op. On reste avec Universal War One dans les histoires de vaisseaux spatiaux et d'espace profond mais le propos et la manière ont clairement changé. Si Bajram confirme avec cette nouvelle série qu'il est aussi à l'aise avec les machines de l'espace que Manara avec les pépés à oualp', la nouveauté vient de la mise en couleur : le dessinateur réalise ses couleurs lui-même et ça lui réussi plutôt bien. Adieu les couleurs criardes et pas toujours de bon goût de Cryozone. Ici tout s'inscrit dans une sobre palette de teintes brun-roux qui sied mieux à un univers d'ombres et d'obscurité. Une utilisation intelligente de l'ordinateur contribue à donner une touche « cyber » à l'esthétique de l'album (écrans d'ordinateurs, incrustations diverses, images virtuelles)... Quant au scénario, on aura compris que Bajram a troqué « l'épouvante de l'espace » pour une SF réaliste de son cru. A en croire la quatrième de couverture, six tomes sont prévus pour cette série. Espérons qu'ils seront à la hauteur de cette séduisante introduction.
Eteyas Bifrost n°12 01/02/1999
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