La petite Siloë est encore dans le ventre de sa mère lorsqu'elles se retrouvent toutes deux emprisonnées dans le labo de Sydney Mac Guffin, père de famille et chercheur en train de tenter pour la première fois une expérience visant à diviser les quarks. Malheureusement, l'expérience tourne mal et la maman n'en réchappe pas. Siloë est vivante, mais à quel prix ? Passé ce prologue, on retrouve l'enfant une dizaine d'années plus tard, alors qu'elle est devenue schizophrène et qu'une vague d'attentats est perpétrée dans la ville. L'intrigue va alors mêler Norman Hawkins, un journaliste enquêtant sur les explosions, et la petite fille aux pouvoirs étranges. Le jury du grand prix du festival Utopia de Nantes vient de récompenser cet album qui est effectivement ancré dans une SF forte aux influences marquées. Un mot, « influences », qui pourrait d'ailleurs être considéré comme un euphémisme, tant les emprunts à l'œuvre de Philip K. Dick sont nombreux : la petite fille schizophrène qui rêve du mot « ronge », les masques de visage à la Substance mort, les caissons où l'on se fait implanter des souvenirs et qui peuvent maintenir en vie, etc. Le Tendre ne renie d'ailleurs pas les emprunts qu'il a fait, mais une telle accumulation pourrait être facilement taxée de... plagiat ? On considérera, histoire d'éviter la polémique (ça nous change !), que nous sommes en présence d'un hommage par le biais de l'utilisation d'éléments disparates créant au final une œuvre originale. Après tout, la BD est bel et bien originale et qui plus est passionnante. Pourquoi bouder son plaisir devant les magnifiques décors architecturaux influencés par le Blade Runner de Scott ? Pourquoi ne pas se laisser emporter par cette histoire qui, même si l'on a lu tout Dick, reste intéressante et riche de surprises ? Les dessins de Servain participent également de cette bonne impression d'ensemble, aussi bien dans les scènes d'actions que dans celles, plus intimistes, permettant d'approfondir la psychologie des personnages (ce qui n'est pas si fréquent dans ce style de BD). Bref, l'ensemble mérite son Prix, même si l'univers créé n'a rien d'original. L'intrigue laisse rêver et promet de belles surprises. Espérons ne pas être déçus.
Laurent Queyssi Bifrost n°21 01/12/2000
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