A St-Hélène, en ce début de troisième millénaire, le parti du S.O.A. remporte les élections et impose une dictature sévère. Les émeutes sont nombreuses mais sont rapidement réprimées. La démocratie est éradiquée, au nom de l'ordre et de la sûreté.

     Huit ans plus tard, un mystérieux tueur en série court les rues, des ados bravent le couvre-feu pour taguer des slogans sur les murs, des hommes en noir exécutent un certain Gusmann, une journaliste s'infiltre dans une soirée, des résistants recrutent de force, la drogue circule, etc.

     Le récit est inhabituellement dense, au point qu'il faut relire l'album deux ou trois fois avant d'en saisir tous les aspects. Il faut dire que Kalonji n'a pas choisi la simplicité  : il introduit un grand nombre de personnages, sans nous les présenter, et les met immédiatement dans des situations complexes qui découlent d'événements que nous ignorons. Nul doute qu'il s'agit d'un puzzle dont les pièces se mettront en place dans les volumes suivants, mais même dans la confusion actuelle, l'album est passionnant.

     Passionnant parce qu'il s'agit pour le lecteur d'une énigme indéchiffrable qui permet de laisser vagabonder son imagination afin d'essayer de trouver une cohérence à cet ensemble de saynètes disparates.

     Passionnant aussi sur le plan graphique, car le talent de Kalonji explose dès les premières cases. Derrière un encrage très contrasté et parfaitement maîtrisé, la richesse des gris, estompés et gommés, donne un relief très personnel aux décors urbains où errent des personnages parfois relativement réalistes, ailleurs parfaitement caricaturaux.

     Bref, cet album est constamment surprenant et captivant, même si l'on n'y comprend rien pour l'instant. La complexité de la narration et l'originalité du graphisme pourront rebuter le lecteur habitué à des productions plus communes, mais les amateurs de nouveaux talents seront sans aucun doute enthousiastes.