Opus matrice ouvre la seconde époque de la Transgénèse, couvrant la période de 2029 à 2034. A noter que chacune des quatre époques doit pouvoir se lire indépendamment, même si une relecture chronologique de l'ensemble de la fresque sera sans doute enrichissante une fois les vingt albums publiés.
En 2029, la secte de l'Arquante – découverte dans le deuxième tome de L'Ancêtre programmé – a pris le pouvoir aussi bien politique que religieux. Mezza, sa principale dirigeante, est devenue la présidente de la Nouvelle République Française. Imposant le culte de la Mater, elle a interdit aussi bien la circulation automobile que la médecine conventionnelle, pour garantir « l'épanouissement » des citoyens. Séances de psychothérapie obligatoires, gymnastique collective et messages lénifiants omniprésents sont les moyens les plus simples d'apaiser ces derniers. S'y ajoutent des méthodes plus perverses : séances de méditation assistées par des drogues et des messages subliminaux et, pour les plus réfractaires, « réadaptation comportementale » à l'aide d'une biopuce insérée au niveau de la nuque. Mais les techniques de contrôle du comportement ont encore fait des progrès. Les biopuces permettent désormais de doter chaque individu d'un Ange gardien virtuel qui l'accompagnera et le guidera en toutes circonstances, et aussi de diffuser un nouveau virus : Fides, le virus de la Foi... Dès qu'un individu doutera de la Mater ou de l'Arquante, le virus s'activera et deviendra mortel en quelques heures ! Quelques personnes résistent, dont Marie Appton, l'un des personnages de L'Ancêtre programmé. Appelés Contre-Révélationnistes, ils utilisent en fraude les médicaments allopathiques désormais proscrits...
Comme on le voit, cette deuxième époque s'avère tout aussi passionnante que la première et pose des questions tout à fait différentes. Le monde de 2029, dystopie encore plus terrible que le 1984 d'Orwell, permet à Anne Ploy d'explorer diverses méthodes de contrôle des consciences individuelles et collectives, à commencer par la religion qui demeure plus que jamais l'opium du peuple. Pour l'instant, l'idée d'un virus capable de s'activer en cas de « doute » paraît peu plausible, car comment analyser quantitativement et surtout qualitativement le doute ? On espère que ce sujet sera développé dans l'un des prochains volumes : les Anges gardiens, ces programmes d'assistance personnelle – et de surveillance rapprochée ! – seront-ils la clé permettant d'activer le virus ? Quelles seront les conséquences d'une épidémie de « doute » ? Ou celles d'une mutation du virus ?
Didier Pagot remplace Loïc Malnati au dessin. On note quelques menues différences, par exemple des visages un peu plus fins ou allongés – au point d'éprouver quelques difficultés à reconnaître Marie dont la personnalité semble avoir bien changé en quatre ans. Mais Pagot respecte évidemment le design de la série, évitant une impression de trop grande rupture entre les deux époques.
La Transgénèse surprend donc encore avec ce troisième album. On attend avec impatience les volumes suivants pour compléter cette Histoire du futur où les sciences de l'infiniment petit que sont l'informatique, la virologie et la génétique s'allient aux sciences humaines pour former la base d'un discours aux perspectives fascinantes.
Pascal Patoz nooSFere 02/01/2002
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