Janos a accepté d'être porteur de Fides, le « virus de la foi », et de recevoir en lui l' « Ange gardien » Gabriel — un programme intelligent qui fait office de conseiller et d'assistant personnel. Selon le plan de Mezza, prêtresse et tête pensante de l'Arquante, Janos feint de s'évader en compagnie de la contre-révélationniste Marie, elle aussi porteuse du virus, à son insu. Comme prévu, Marie conduit Janos aux résistants... trame Si le moteur du récit — l'opposition d'un groupe de rebelles confrontés à un pouvoir aliénant — forme une intrigue classique, il offre à Anne Ploy le moyen de crédibiliser la dystopie découverte dans le précédent volume. Passant aux actes, la secte de l'Arquante construit en effet une société où tout est pris en charge par le système, qui sape insidieusement les libertés individuelles au nom du « bien » commun. Prônant par exemple le refus des pesticides et des engrais chimiques, l'Arquante diffuse une alimentation « bio » officielle, qui dissimule des OGM et des antidépresseurs. Ainsi, grâce au mensonge, la secte contourne les réticences des populations et leur offre « tout ce qui les effraie... mais tout ce qu'ils désirent au fond d'eux mêmes. » Elle apporte la tranquillité d'esprit et la sécurité, au moins à ceux qui ne s'inquiètent pas de la nature des solutions apportées et qui, par exemple, ne s'alarment pas de voir le problème du vieillissement résolu par une pseudo « réincarnation ».
L'une des forces de la Transgenèse est de ne pas mettre en scène des héros hors du commun, mais de s'intéresser plutôt à des personnages assez ordinaires, ancrés dans une réalité quotidienne proche de la nôtre, qu'il s'agisse de l'école, des relations familiales ou du monde du travail. Dans Fines Matrice, Anne Ploy analyse même les retombées de la politique de l'Arquante sur le monde rural, chose rare en SF où l'horizon se limite souvent à celui des mégalopoles. Pour autant, elle n'hésite pas à explorer d'autres aspects moins terre-à-terre de ce terrible futur, comme l'évolution des arts, nous invitant par exemple au spectacle virtuel d'une « créatrice de rêve » qui sculpte ses émotions.
Bref, une fois encore, la monumentale histoire du futur proche que les auteurs déploient sous nos yeux séduit par sa densité, sa cohérence et son intelligence. A suivre... évidemment !
Pascal Patoz nooSFere 01/03/2002
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