Thorinth est une tour-labyrinthe construite pour le savant Amodef afin d'y explorer les « consciences sinistrées ». Mais Esiath, la maître-architecte a trahi Amodef et a créé un argile mutant capable d'aspirer les consciences. Cette créature argileuse, un golem appelé le Garde-fous, hante désormais la tour où échouent les bannis, les indésirables où les excentriques, qui y vivent parmi des centaines de schnouboufs. Ces derniers, issus des fragments du bloc d'argile d'Esiath, sont à la fois des guides et des animaux de compagnie que certaines drogues rendent télépathes. Une certaine paix règne, car tout acte violent commis dans la tour déclenche aussitôt la colère ravageuse du golem...
Un jour, un homme pénètre dans la tour pour y chercher sa compagne, tel Orphée descendant aux Enfers. Ce faisant, il passe de l'autre côté du miroir, dans un monde peuplé de fous et de personnages extravagants. Thorinth obéit à une logique absurde, à des lois insensées. Difficile de ne pas évoquer à ce propos le voyage d'Alice au Pays des Merveilles, notamment lors de la scène du procès où un roi d'opérette propose qu'on lynche le héros... On peut regretter que la construction de la tour et la création du golem ne fasse l'objet que de quelques pages d'introduction, car il y avait là sans doute matière à un ou deux albums aux scénarios bien remplis. Fructus a au contraire fait le choix d'une intrigue assez simple, constituée par l'errance du personnage central qui découvre peu à peu les différents aspects de la tour et de ses habitants. Mais peu importe, Nicolas Fructus est parvenu à concevoir un univers étrange et original, à la fois drôle et inquiétant. Le graphisme, parfois un peu statique, est d'un impact visuel indéniable, qu'il s'agisse des personnages tout à fait hallucinants qui peuplent la tour ou des décors démesurés où ils évoluent. Ces visions fortes impressionnent durablement, malgré des couleurs qui sont très belles mais qui manquent un peu de contraste à l'impression et donnent parfois une impression globalement terne.
Ce premier album est donc une réussite, tant sur le plan d'un scénario basé sur le non sense que sur celui du dessin. Reste à savoir où Fructus compte nous emmener dans l'exploration de cet intrigant univers et s'il saura en exploiter le cadre au cours des prochains volumes.
Pascal Patoz nooSFere 02/01/2002
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