Le chat coule une vie heureuse auprès de sa maîtresse, la fille du rabbin, jusqu'au jour où il mange le perroquet. Désormais, le voilà doué de la parole ! Mais ce miracle consterne le rabbin car le chat commence par mentir effrontément. Or un bon juif ne peut pas mentir... Mais à propos, le chat est-il juif ? Comme l'écrit Eliette Abécassis dans la préface : « L'essentiel du judaïsme est là, à travers cette histoire d'un chat qui veut faire sa bar-mitsva, un chat très juif, puisqu'il ne cesse de questionner son rabbin et de remettre en question le texte. »
Le chat se révèle en effet être un redoutable contradicteur, capable de venir à bout de la patience du plus sage des rabbins. Pourtant, la parole l'indiffère : il souhaite avant tout retrouver les genoux de sa maîtresse, dont on lui interdit désormais l'accès...
Une savoureuse ironie — d'autant plus légère que les thèmes abordés sont graves et universels — baigne constamment cette fable philosophique à la poésie décalée et subtile, aussi surprenante que le sont les univers graphiques irréels de Sfar. Ce chat efflanqué et grimaçant, au rictus diabolique, pourra en effet dérouter le lecteur habitué à des styles plus classiques, de même que la narration à la première personne en « voix off » ou la monotonie de la mise en page (6 cases carrées par page). Pourtant, la magie opère et l'on est rapidement envoûté par l'originalité, l'expressivité et l'atmosphère d'étrangeté mêlée de sensualité propres au dessin de Sfar. Bref, il y a du génie là-dedans : l'intelligence exceptionnelle du texte et son irrésistible drôlerie suffisent à faire du Chat du rabbin un véritable joyau, à ne pas manquer !
Pascal Patoz Faeries n°7 01/05/2002
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