Au cours de ce deuxième album, le démon nommé Mille Visages nous dévoile en tant que narrateur une partie de son itinéraire. Issu d'un livre maléfique, incarné dans le corps d'un bossu maltraité avant de passer de corps en corps par transfusion sanguine, il a appris à créer et à contrôler diverses créatures zombies, humaines ou animales. A la suite de son disciple, le chirurgien Franck Quinn, il a quitté l'enveloppe corporelle du Pr Laney — que Quinn a assassiné — , pour se rendre dans le Nouveau Monde. Peut-être y trouvera-t-il un adversaire à sa mesure ?
Cette série n'a pas de héros. Les personnages importants pour la progression du récit sont nombreux, mais aucun d'eux n'occupe une place centrale. Seul Mille Visages est un fil conducteur permanent, mais comme il n'a pas de forme fixe, les scènes se succèdent en désordre sans qu'aucun personnage ne leur semble commun en apparence. On passe d'un marigot écossais au brouillard londonien, avant de traverser les plaines amérindiennes, de l'année 1832 où le démon ressurgit aux années 1850-60 où se déroule le temps du narrateur.
Cette construction originale rend le récit captivant de bout en bout, car elle amène le lecteur à découvrir plusieurs histoires différentes et à reconstituer patiemment un puzzle, fait de découvertes et de rebondissements multiples. Complexe et d'une remarquable densité, l'intrigue se situe ainsi à mi-chemin entre un western et le fantastique « moderne » façon Poe ou Stevenson. L'ambiance qui en résulte est envoûtante, distillant un malaise subtil, d'autant plus que le dessin de Malès contribue à cette étrangeté en poussant à l'extrême la laideur de certains personnages, notamment celui du bossu.
Une superbe série, que les amateurs de fantastique ne doivent pas manquer.
Pascal Patoz nooSFere 15/10/2002
|