L'Impératrice rouge se déroule en un lieu et un temps improbables où la Russie de Catherine II se serait projetée dans un futur en voie de désagrégation. Inutile de chercher un lien logique avec notre Histoire : il ne s'agit sans doute ni de notre futur, ni de notre passé, ni même d'un monde parallèle, mais de la simple transposition d'une Russie fantasmée par Jean Dufaux dans les univers graphiques d'Adamov.
Le scénario, assez tortueux, met en scène les luttes pour le pouvoir que se livrent Catherine, son époux l'empereur, l'église, les « impurs » — sorte de mutants capables de se régénérer au contact d'une eau irradiée — et d'autres rebelles... La soif de puissance qui sous-tend le drame est proche d'une étrange folie dont pâtissent évidemment les plus humbles. Comme souvent chez Dufaux, le pouvoir est ainsi au centre du propos, sans qu'il y ait de thématique véritablement science-fictive — même si Rostan, l'homme-machine dont on peut notamment programmer la fidélité, pose en filigrane la question des limites de l'humain... Le récit est fort, d'autant plus intéressant qu'il recèle une réflexion parallèle sur l'état de la Russie d'hier et d'aujourd'hui.
Le dessin d'Adamov est égal à lui-même, c'est-à-dire magnifique, dégageant une sauvagerie et une sensualité qui s'accorde parfaitement au scénario tourmenté de Dufaux.
La rencontre de Beatifica blues et des Eaux de Mortelune, dans un contexte historique ambigu, voilà qui ne peut laisser indifférent ceux qui ont appréciés ces deux précédentes séries. Le résultat est à la hauteur !
Pascal Patoz nooSFere 01/10/2002
|