« Merci à M. H., dont la lecture du roman m'a inspiré les particules élémentaires de cette histoire » peut-on lire dans les dédicaces de cet album. A l'évidence, Jean-David Morvan fait allusion à Michel Houellebecq et à ses très controversées Particules élémentaires. Rappelons que le roman retrace une sorte d'histoire de la seconde moitié du XXème siècle, vu par des personnages plutôt dépressifs, pour qui le sexe est triste et la procréation un fléau. La conclusion relève directement de la science-fiction puisque Houellebecq affirme que le Meilleur des mondes imaginé par Huxley est réellement idéal et qu'il faut que l'on s'oriente vers un monde débarrassé de toute sexualité, où la reproduction se ferait par un clonage qui gommerait les différences entre les individus et qui plongerait l'humanité dans une bienheureuse égalité. On comprend pourquoi cet appel à l'eugénisme a pu heurter nombre de lecteurs, d'autant plus qu'il est difficile d'apprécier le degré de sérieux de l'auteur dans ce prétendu credo.
Morvan a donc directement sauté à l'étape suivante, imaginant un monde futur où nos descendants naîtraient de manière artificielle, de façon à pouvoir bénéficier d'un traitement les rendant immortels. Il choisit de décrire une situation en apparence idyllique puisque pour une fois l'ensemble des gouvernements se sont mis d'accord et que tous les humains ont pu accéder à l'immortalité, sans aucune discrimination. Il ne va pas tout à fait au bout des idées de Houellebecq, puisque apparemment la vie en couple n'a pas disparu, pas plus que la cellule familiale — ce qui fait que cet avenir paraît très proche de notre présent. C'est dans cet univers que naît Aster, une petite fille en apparence comme les autres mais pourtant profondément différente puisqu'elle est... mortelle ! Comment Aster va-t-elle pouvoir vivre dans cette société où on lui ment pour la protéger, où certains la regarde avec pitié et d'autres avec horreur ? Est-elle un monstre ? Pourra-t-elle choisir une autre voie que celle de la violence pour faire éclater sa rage d'être ainsi condamnée dès sa naissance ? A quoi bon vivre une simple vie d'homme, une petite centaine d'années, une si courte durée ?
Cette situation imaginée par Morvan est évidemment très touchante, d'autant plus qu'elle renvoie à notre propre condition de mortel, seulement supportable parce que nous la considérons comme le lot commun. Il nous est facile de comprendre le désespoir d'Aster, si proche du nôtre les jours de cafard. Que va-t-elle devenir ? Et surtout pourquoi est-elle née ? Nous l'apprendrons sans doute dans les prochains tomes.
Le dessin de Nemiri semble manquer d'assurance et de maturité, ce qui lui confère en retour une certaine naïveté, une certaine fraîcheur qui cadrent assez bien avec le récit. Le choix des couleurs peut sembler discutable, mais au final le graphisme est doté de plus de personnalité que chez bien d'autres auteurs au trait plus précis. On note d'ailleurs une évolution au fil des pages, et l'on peut penser que le talent de Nemiri va s'affirmer dans les prochains albums. A noter qu'il s'agit du « Coup de cœur » de Christian Gine (d'où un ex-libris en supplément).
Somme toute, voilà une série émouvante et plutôt originale, qu'on suivra avec intérêt.
Pascal Patoz nooSFere 10/10/2003
La génétique a offert l'immortalité à l'humanité. La petite Aster rêve de devenir cosmonaute, jusqu'au jour où elle apprend qu'elle est la dernière humaine née mortelle... Ce premier tome relate plusieurs époques de la vie d'Aster, la découverte de la mort, sa révolte. La situation quasi unique d'une enfant mortelle dans un monde où l'on ne vieillit plus est traitée avec pudeur et sensibilité, le tout appuyé par le dessin d'un jeune illustrateur fort prometteur. De la belle et bonne bédé ! (Note : Oulà ! ! Yamaxibon, çà !)
Philippe Heurtel Bifrost n°33 01/01/2004 Mise en ligne le 26/09/2005
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