Ah, si la mort n’existait pas, que serait la vie ? Pensez que sans la mort vous effacez plus de la moitié des intrigues littéraires dont la quasi-totalité des intrigues policières et… le présent album ! Que deviendraient les règles de la vie dans une société composée d’immortels ?
Jean-David Morvan confronte une société, où la mort est éradiquée, et quelques individus qui restent mortels, un choix qui leur est imposé.
Aster, la petite fille du tome 1, sujet de tant d’expériences, est devenue une adolescente qui ne comprend toujours pas les raisons du choix de ses parents : la priver d’immortalité. Rejetée par cette société dont elle ne pourra jamais faire partie, elle rejoint d’autres mortels regroupés sur une plage. Avec ces réprouvés, elle tente de s’étourdir dans l’alcool et dans une parodie de fête. Mais, peu à peu, elle prend conscience que cette vie ne peut la mener qu’à la destruction…
Le dessin de Nicolas Nemeri n’est pas « classique ». Pour la mise en images de cette histoire particulière, il privilégie des traits fragiles, qui semblent prêts à casser, à disparaître. Avec une mise en couleurs dominée par des teintes pâles l’approche graphique est quelque peu déroutante. Cependant, elle est en parfaite harmonie avec la densité du sujet.
Jean-David Morvan tente d’explorer toutes les dimensions de la vie. Il le fait à travers tant de sujets différents que l’ensemble parait éclectique. Avec Je suis morte, malgré un thème délicat et ardu, l’auteur offre une excellente fable sur l’existence, sur la recherche d’un but pour celle-ci et sur sa finalité. Il aborde également, à partir de la nature humaine, le mal-être des adolescents et plus généralement, celui des individus face à l’existence et à sa précarité. Car la vie bute, immanquablement sur la mort. Jean-David Morvan se livre à de nombreuses réflexions et considérations à caractères philosophiques, sur les deux situations et leurs conséquences. Il prend, pour l’immortalité, le parti de la morosité. Il dépeint, assez sommairement, une société où les individus ne respirent, ni la joie de vivre, ni le dynamisme. Mais ne serait-ce pas la réalité ? Imaginez une existence où vous savez que ce que vous vivez n’aura pas de fin ! Ne pas avoir l’aiguillon de l’incertitude qui pousse à se dépêcher de faire pendant qu’on peut encore, surtout si votre réserve de printemps est déjà bien entamée ! Cependant, l’auteur donne une conclusion qui est bien dans la nature humaine.
Une série d’un abord peu facile, car Je suis morte amène à se poser bien des questions qui restent hélas, sans réponse, entre la fuite en avant des mortels et l’inappétence des immortels. Une bande dessinée comme on souhaiterait en trouver plus souvent.
Serge Perraud nooSFere 25/05/2008
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