« Scarlett, personne ne vous aimera jamais comme je vous aime. »

     Règlement de contes, c'est d'abord un magnifique western, de ces westerns qui évoquent les tragédies antiques, dotés de personnages marquants, comme le shérif lâche et alcoolique, le mercenaire solitaire, le chef de bande impitoyable... C'est l'histoire de l'affrontement entre ces divers personnages, dans un Far West devenu trop petit pour que leur coexistence soit encore possible. C'est un récit dont le classicisme ne diminue en rien la puissance, à la manière de ces mythes universels que l'on peut habiller de mille façons.

     Mais comme le jeu de mots du titre l'indique, Règlement de contes c'est aussi une savante et savoureuse transposition de plusieurs contes de notre enfance. Des histoires de loup surtout (Les trois petits cochons, Le Petit chaperon rouge, Pierre et le loup, La chèvre de monsieur Seguin), mais aussi quelques autres comme La Belle et la Bête...

     La magie du récit tient dans la grande finesse de cette transposition, faite de petites touches qui transfigurent l'intrigue centrale et qui y ajoutent une dimension supplémentaire : celle de la souffrance de races qui savent ne plus avoir leur place dans un monde appartenant désormais aux humains. On peut voir dans cette présence d'animaux humanisés une allégorie (loup/mercenaire par exemple), mais il ne s'agit pas d'une simple convention de BD où l'existence de telles créatures n'est en général pas discutée. Ici les loups ou les cochons ont conscience de leur « inhumanité », comme s'il s'agissait de races disparues désormais oubliées, ou bien d'un passé alternatif, d'une uchronie de fantasy.

     Bref, cette histoire, avec sa mise en abyme extrêmement habile des contes pour enfants, s'avère inoubliable, d'autant plus que le dessin a la force nécessaire — surtout dans la peinture des trognes des personnages, humains ou animaux — pour accroître la tension dramatique du scénario. Et ce qui ne gâte rien, l'histoire est complète en deux tomes... Superbe !

     La ville de Pigtown vit sous la coupe de Naff, le cochon, et ses deux brutes de frères. Mais Pierre et Scarlett s'opposent à leur plan : spolier les hommes de leurs terres avec l'aide d'une bande de loups... Suite et fin de ce western/conte de fées qui mélange humains et animaux anthropomorphes. On pense parfois à l'excellent Blacksad, et c'est un sacré compliment !

     (Note : Oulà ! ! Yamaxibon, çà !)