Les lecteurs de cette adaptation de la monumentale saga feuilletonesque de G.-J. Arnaud peuvent se classer en deux catégories : ceux qui ont lu les romans et ceux qui ne les ont pas lus. Les premiers réagiront à chaque « trahison » du texte et ne retrouveront sans doute jamais parfaitement leur propre vision du monde post-apocalyptique décrit par Arnaud — voir la critique du premier tome, Lien Rag. Les seconds, vierges de tout a priori, pourront aborder ces albums avec moins d'espoir, mais sans doute aussi moins de déception potentielle. Précisons donc d'emblée que je fais partie de cette seconde catégorie.
L'histoire : dans un lointain futur, la lune a explosé, formant un nuage de poussière qui cache le soleil. C'est un nouvel âge glaciaire, où l'humanité survit grâce à des dômes protecteurs et des combinaisons. La mobilité étant primordiale, les compagnies ferroviaires ont pris le pouvoir et la vie s'est organisée autour d'elles... Lien Rag, un glaciologue, souhaite étudier une zone d'accumulation anormale de glace. Ce qu'il découvrira a de quoi l'inquiéter et, chemin faisant, il lui faudra s'interroger sur la nature exacte des « Roux », ces hommes-singes capables de vivre dans le froid sans autre protection que leur fourrure, et sur celle de leur divinité nommée « Loup rouge »...
Le scénario est plutôt intéressant, mais, peut-être en raison de l'influence de la narration littéraire, ces deux premiers albums peinent à trouver leur rythme. Paradoxalement, on reçoit à la fois trop et pas assez d'informations. Le texte paraît souvent bavard, alors que le lecteur qui ne connaît pas les romans a du mal à comprendre le mode de vie de ces survivants et notamment l'importance de ces fameuses compagnies ferroviaires. Côté personnage, celui de Floa Sadon est à la limite du grotesque. Fille nymphomane du gouverneur, invraisemblablement entichée de Lien Rag au premier coup d'œil, il ne se dégage d'elle aucun charisme, aucune autorité, aucun charme... ce qui ne permet pas de comprendre l'ascendant qu'elle exerce sur autrui. Le dessin y est évidemment pour beaucoup, car elle est moche et figée, sans aucun rapport avec la superbe jeune femme représentée sur la couverture — une autre version de Floa beaucoup plus convaincante... Nul doute que si elle avait cette allure dans l'album, on pourrait comprendre la fascination qu'elle suscite.
Bref, ce travail collectif en « atelier virtuel » ne convainc pas pleinement. En particulier, les relations psychologiques plutôt légères, les décors parfois jolis mais inégaux, le dessin rigide et maladroit et la mise en page un peu trop sage... Evidemment, il ne faut sans doute pas juger cette entreprise comme s'il s'agissait d'un album d'auteur. Ce projet de BD-feuilleton, avec 3 ou 4 albums par an, doit bénéficier de la même indulgence que les romans-feuilletons en général, qui s'autorisent souvent des approximations et des facilités. On peut même espérer qu'une fois rodée, l'équipe « Jotim » réussisse à donner plus d'allant et de vivacité aussi bien à la narration qu'au trait.
Pascal Patoz nooSFere 01/12/2003
Dans un futur lointain, sur une Terre prise par les glaces, Lien Rag enquête sur les Hommes Roux, peuplade qui résiste miraculeusement au froid, et s'oppose aux compagnies ferroviaires qui dominent le monde... Cette adaptation de la série « fleuve » de G. J. Arnaud souffre de pavés explicatifs maladroits et, surtout, d'un dessin à fuir. (Note : Bof, yapôtrocool)
Philippe Heurtel Bifrost n°33 01/01/2004 Mise en ligne le 26/09/2005
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