A voir la couverture, le doute n'est pas permis : voilà une série d'Heroic Fantasy où un groupe de valeureux guerriers aussi dissemblables que complémentaires vont « descendre » — mouvement suggéré par la dynamique de l'illustration — au fond d'un quelconque donjon pour y trouver un quelconque trésor ou accomplir une quelconque quête...
Cette première impression n'est pas fausse, mais elle est réductrice. Car l'intrigue de cet album s'inscrit dans un contexte historique bien défini : nous sommes au VIe siècle, après l'effondrement de l'Empire Romain d'Occident. L'action débute à Byzance, où règne Justinien et son épouse Théodora. C'est celle-ci qui demande au guerrier-mage appelé l'Oiseau de reformer son ancienne troupe de mercenaires, celle qui s'est rendu légendaire sous le nom de la « Meute de l'enfer ». Un nom prédestiné puisque leur mission consiste justement à se rendre aux Enfers de Pluton — dont l'entrée se trouve près de Naples — pour y chercher le « Tribut des Dieux », un trésor mythique, qui aurait été versé un siècle plus tôt par l'Empereur pour compenser la disgrâce de Jupiter et des anciens dieux au profit du Christianisme. Cependant, il semble que le véritable but de Théodora soit ailleurs. D'ailleurs, elle s'empare de l'esprit d'un des membres de la Meute pour en faire son espion — sans que le lecteur sache qui est ce traître potentiel et involontaire...
Difficile d'expliquer pourquoi, avec les mêmes ingrédients, les sauces prennent ou ne prennent pas. Dès les premières pages, nous sommes irrésistiblement entraînés par le souffle de l'épopée. En quelques pages, le contexte historique est habilement situé, grâce à quelques saynètes qui nous promènent du palais de l'Empereur d'Orient à un camp de barbares Kotrigours chassés par les Huns, puis de la Scythie au Nord de l'Empire à Dara, aux côtés du glorieux général Bélisaire. De même, la personnalité des principaux personnages est cernée en quelques traits : les membres de la Meute ont un lourd passé, comme l'Aigle qui a troqué son intégrité physique contre une invincibilité potentielle ; ils sont aussi affaiblis, comme la Panthère désormais aveugle... Sont-ils encore à la hauteur de cette quête ? Le dessin est classique, avec une mise en page assez sage, mais sa force d'expressivité rappelle celui des sagas historiques de Mitton.
Bref, cette fresque réussit à unir crédiblement une Fantasy historique riche — à la façon d'un roman de Guy Gavriel Kay — à l'ambiance « jeu de rôle » de l'Heroic Fantasy — voir le combat contre les squelettes. Si les auteurs parviennent à maintenir cet équilibre, cette série pourrait devenir l'une des réussites du genre.
Pascal Patoz nooSFere 18/01/2004
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