Désespéré par la mort de son ami Enkidu, angoissé à l'idée de sa propre mortalité, Gilgamesh part à la rencontre d'Utanapishtim, qui a obtenu la vie éternelle en construisant l'arche qui a sauvé l'humanité et la faune d'un déluge envoyé par les dieux — la version sumérienne de l'Arche de Noé. Obtiendra-t-il l'immortalité ? Ou au moins la sagesse comme semble le sous-entendre le titre de ce second volume ?
J'avais déjà émis quelques réserves sur le début de ce diptyque (voir la critique du Tyran). J'avoue être encore moins séduit par son dénouement. A aucun moment, même au plus profond de son désespoir, Gilgamesh ne se montre un personnage émouvant. Qu'il larmoie, qu'il soit en colère, l'égoïsme demeure son moteur principal. La mort d'Enkidu l'affecte surtout parce qu'elle lui renvoie l'image de sa propre fragilité. Alors qu'Orphée va chercher celle qu'il aime aux Enfers, la quête de Gilgamesh — au moins dans cette version — n'est pas de ramener son ami à la vie, mais de se préserver lui. Même lorsqu'il obtient des herbes censées apporter l'immortalité, il compte clairement les tester sur autrui avant d'y goûter, on n'est jamais trop prudent... Certes, la destinée de ce héros pourrait être intéressante même sans qu'il soit sympathique. Mais le souffle épique fait également défaut. On accompagne Gilgamesh dans son périple sans se passionner, sans même toujours comprendre le pourquoi de certains de ses actes. Quel est l'intérêt de ces hommes-scorpions qui, placés entre les Monts-Jumeaux pour en défendre l'entrée, bavardent cinq minutes avec Gilgamesh avant de le laisser passer ? Pourquoi Gilgamesh se rue-t-il stupidement sur le nocher avant de détruire « Ceux-de-pierre », sans aucune raison apparente ? En faisant se succéder les diverses péripéties de cette quête sans la rendre psychologiquement crédible et sans en magnifier la portée symbolique, le scénario de Gwen de Bonneval demeure en deçà de ce qu'aurait mérité cette épopée.
Reste le dessin très personnel de Frantz Duchazeau, qui confère à l'histoire une ambiance tragique tout à fait séduisante. Pour cela et pour l'importance de l'épopée de Gilgamesh dans l'histoire des littératures de l'Imaginaire, ce diptyque mérite tout de même le détour.
Pascal Patoz nooSFere 21/09/2005
|