Christophe Chabouté construit une oeuvre exigeante où il aborde des thèmes qui se démarquent des grands courants qui animent la BD d'aujourd'hui. Cependant, cette démarche est très appréciée. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire la liste des Prix que l'auteur collectionne. Aussi, l'approche d'une de ses séries est toujours un moment important. Avec Purgatoire, l'auteur réussit une fois encore à nous surprendre. Il nous rappelle l'inutilité de certaines choses que nous pensons essentielles et nous fait prendre conscience que l'on passe trop souvent à côté d'éléments primordiaux, surtout dans le domaine sentimental. Ainsi, il fait reconnaître à son héros : « C'est lorsque c'est perdu que ça prend de l'importance. ...rattraper tout ce qu'on n'a pas ou mal fait. » Il met en scène Benjamin Tartouche, un jeune homme à qui la vie semble sourire. Mais le sort s'acharne à lui faire perdre sa maison (elle brûle), son travail (il n'a plus d'ordinateur). Il devient interdit bancaire et se fait mettre à la porte de l'hôtel où il avait trouvé refuge. Son assureur ne veut rien lui rembourser ! Devenu clochard, Benjamin pense avoir touché le fond. Mais non ! Son assureur, au volant de sa voiture l'accidente et prend la fuite. Bien sûr ! Il va alors découvrir que le système administratif de l'au-delà n'a rien à envier aux plus sophistiqués inventés par les hommes. Il est renvoyé sur Terre comme « conscience », avec pour mission de ramener un être vivant dans le droit chemin. C'est à lui de choisir et ...il s'attache à Robert Trusquin, ...son assureur. Celui-ci est en campagne pour les élections municipales.
Christophe Chabouté manie et maîtrise l'humour noir, très noir ! Il n'hésite pas à prendre parti dans la dénonciation de la bêtise et de la bassesse humaines. Avec Purgatoire, il se régale, nous présentant des personnages à la limite de l'abject. Et dans ce domaine, Robert Trusquin restera dans les annales comme une référence. Le choix du prénom est involontaire ? Celui-ci n'est-il pas devenu le symbole du « beauf » ? Par contre, le choix de trusquin, cet instrument de traçage de lignes parallèles, est-il fait pour renforcer l'idée de deux parcours très liés ? Mais au-delà de la noirceur, Chabouté croit à une possible rédemption, car l'amour reste le plus fort. Il propose un dessin réaliste, voire dérangeant, où les yeux des individus expriment l'incompréhension, l'étonnement devant le désastre de leur vie. La mise en scène est efficace, donnant la vedette à tous les personnages. Ce qui est frappant, c'est le regard des foules où Chabouté fait transparaître une immense lassitude et tristesse, un état de renoncement.
Purgatoire est une remarquable série à feuilleter et à refeuilleter pour se remémorer encore et toujours la valeur et la relativité des choses terrestres !
Serge Perraud nooSFere 10/10/2005
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