A 33 ans, la vie d'Henry Sloak bascule lorsqu'il reçoit par colis postal un étrange masque, expédié par un inconnu. L'objet déchaîne en lui une pulsion incontrôlable et il assassine sauvagement sa propre femme. Bien qu'arrêté par la police, il est rapidement recruté par le mystérieux Solomon Raspe. En compagnie de John, un ex-flic, et de Christine, une belle tueuse déjà plusieurs fois morte, Henry se lance sur les traces du sculpteur de masques, un colosse ukrainien nommé Ugor... La plupart des protagonistes de cette histoire sont des Seeds, c'est à dire les enfants d'un démon engendrés chez mille femmes quelque trente trois années auparavant. Quasi immortels tant qu'on ne leur arrache pas le coeur, les Seeds forment deux factions qui s'opposent. Les uns veulent laisser s'exprimer leur origine démoniaque, les autres se battre pour garder leur humanité...
De cette trame fantastique, Alex Cruz fait un thriller tendu et violent, aussi intrigant que captivant. Bien que d'apparence manichéenne, cette lutte entre bons et mauvais se montre ambiguë car fratricide, reflétant avant tout le combat intérieur qui se livre chez chacun des Seeds, tiraillés entre leurs deux natures. Certains aspects de l'intrigue demeurent obscurs — comme le pouvoir que possède Christine de se survivre à l'infini en aspirant le corps dissout de sa précédente incarnation — , ce qui amplifie la sensation de malaise procuré par l'atmosphère morbide et anxiogène de l'album. Une ambiance horrifique d'ailleurs remarquablement rendue par le trait sombre de Marc Riou. Les décors sont réduits, les visages imprécis et comme figés, parfois difficilement reconnaissables, mais ce qui pourrait passer ailleurs pour des défauts accentue au contraire le caractère oppressant de l'intrigue, tout comme la palette de couleurs choisie — bruns, ocres, verts et gris maladifs.
Un début très séduisant pour une série fantastique prometteuse.
Pascal Patoz nooSFere 12/06/2006
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