Éric Hérenguel a toujours eu un faible pour les western. Il était concevable alors que son inspiration puise dans ce genre. Pour cette nouvelle série, il nous invite donc dans un western fantastique qui place son intrigue en 1880, à Providence, un petit village de l'Est des États-Unis, resté à l'écart des grands courants du modernisme. Cathy Gatling vient de Washington et annonce qu'elle est là pour l'inventaire des biens de Spencer, un charpentier. Celui-ci est décédé dans d'étranges conditions, comme lui montre le shérif qu'elle a sollicité. Pour le lecteur, le suspense, sur ce point, est de courte durée car on découvre très vite, rôdant dans la forêt avoisinante, la matérialisation d'un immense loup-garou. Les meurtres succèdent aux meurtres. Le maire, très préoccupé par les prochaines élections, fait appel à un chasseur. Mais le remède n'est-il pas pire que le mal ? Après la mort de Simone, une fillette, la haine se cristallise sur le forgeron, un indien qui se rend souvent en forêt. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! Éric Hérenguel a écrit un scénario attrayant, bien agencé, aux rebondissements bien orchestrés, avec des personnages typés, qui inspirent immédiatement la sympathie ou l'antipathie. On peut trouver des airs de famille entre la silhouette de Stuart, le shérif et celle de Krän, le barbare. C'est un scénario plein de trouvailles, de mouvements, qui plonge très vite dans le fantastique. On retrouve également la trame et le schéma des grands classiques immortalisés par le cinéma, où le shérif se retrouve seul à tenter de faire régner la justice face à une population apeurée, réfugiée derrière quelques fiers à bras galvanisés par le nombre. Les dialogues, qui font mouche, sont ponctués de réflexions amusantes. L'humour est présent, malgré l'aspect dramatique de l'histoire et l'auteur nous régale des mésaventures de Stuart avec un affreux chien qui l'a pris en affection. Le dessin et la couleur directe se marient harmonieusement pour des pages superbes où éclate la lumière et les tons de roux : le roux de la chevelure de la belle Cathy et les roux de la forêt. C'est presque une carte postale où perce la nostalgie d'un monde d'harmonie. Il joue avec la lumière, en maîtrise parfaitement les effets, donnant à ses dessins une troisième dimension. Hérenguel est un auteur pointilleux, un amoureux du détail et de la véracité. Il suffit, pour s'en convaincre, de regarder attentivement les armes, les costumes des personnages. La reconstitution du village, même si elle s'inspire de l'imagerie du western est une réussite. L'auteur aime le genre, cela se ressent et se voit.
Un album remarquable en tous points, par un auteur, échappé quelque temps d'une série de fantasy parodique mêlant grosse farce, bouffonnerie et « dessous de la ceinture ». Cet endroit n'est pourtant pas à négliger car n'est-ce pas de là que vient la totalité de l'humanité (moins deux) et n'est-ce pas pour répondre aux pulsions de cette partie du corps que la dite humanité réalise plus de cinquante pour cent de ses actes ? Vents d'Ouest propose une présentation peu commune et qui sied bien à la qualité de l'ensemble. L'album est dans une pochette qui permet d'avoir deux fois une couverture réussie, pleine de poésie. Un cahier de huit pages donne des croquis d'études et la vision de l'auteur.
Serge Perraud nooSFere 01/11/2005
|