Sur l’île de Noirmoutier, un sorcier doit désigner, parmi quatre nouveau-nés, celui qui réagit au contact du sang d’une chèvre sacrifiée pour la cérémonie. Au retour, sur les chemins de terre, une jeune mère est égorgée, mais son bébé est épargné. Au matin, la gendarmerie est face à une énigme : un cadavre, un bébé dans son lit et le père qui n’a rien vu, rien entendu et qui ne comprend pas pourquoi sa femme est sortie, de nuit, sur la lande. Il y a bien le témoignage d’un bouilleur de cru ambulant. Mais ses propos laissent penser qu’il est sous l’emprise de sa fabrication tant ils sont difficiles à accepter. Une lettre anonyme dénonce le sorcier, que la justice toute heureuse d’avoir un coupable, s’empresse de condamner. Quinze ans ont passé. Dans un pensionnat religieux, Clément lit des ouvrages profanes, comme les romans d’Eugène Sue, de Dumas et d’Hugo. À son ami Jacques, il révèle ses capacités de télékinésie, de divination. Surpris dans ses œuvres, Clément est renvoyé pour usage de magie. Commence alors une quête pour comprendre qui il est, quels rôles jouent les membres de sa famille, particulièrement sa mère… Corbeyran, s’il quitte quelque peu son univers des Stryges, reste dans le domaine du paranormal, du surnaturel. Il privilégie aussi le cadre de la Côte Atlantique, au XIXe siècle, en Vendée, dans un univers où les forces des éléments terrestres et maritimes se confrontent avec des forces plus obscures. Un scénario à la trame classique, mais avec tous les ingrédients d’une bonne histoire traitée par un spécialiste du genre. Paul Marcel, qui est fasciné par l’illustration, réalise un premier album magnifique, pour ne pas dire époustouflant, avec un graphisme réaliste et une mise en couleurs flamboyante. Il conçoit des éclairages tout à fait en accord avec ceux de l’époque quand, pour éclairer de grandes pièces, les gens ne disposaient que de bougies et de lampes à huile ou à pétrole. (Mais quel progrès déjà !) Il renforce ainsi le climat inquiétant du scénario. Des ciels aux couleurs riches, des lumières aux reflets irisés, des perspectives et des cadrages recherchés font de cet album un magnifique livre d’images. On pourrait presque se passer du texte de M. Corbeyran. (Notez que ce serait quand même dommage !) Il est encourageant de voir l’émergence de nouveaux talents d’illustrateurs, usant des teintes avec une telle maîtrise, rappelant celle d’un Guillaume Sorel. Après Grun, (La Conjuration d’Opale chez Dargaud) c’est Paul Marcel que Corbeyran nous révèle. Merci ! Le Malvoulant est une série prometteuse de beaucoup de plaisir.
Serge Perraud nooSFere 01/05/2006
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