Comment Sfar construit-il ses histoires ? Il se lance et improvise en se laissant porter par l'aventure et les personnages ? Il a tout le découpage case par case et il sait exactement ce qu'il fait ? Je ne sais pas et ça m'est égal. Je préfère me laisser emporter par ses récits peuplés de dragons belliqueux, de rites absurdes et cruels, de quotidien préhistorique, d'enfants turbulents et de jolies filles. Merci pour ce voyage. Je serai là pour L'Ami des gorilles.

     Deux chasseurs rencontrant dans une même vallée d'étranges dinosaures d'avant, en train de paître, et de bizarres humains d'après, en train de cultiver, ne pouvaient être inventés que par quelqu'un de votre liberté, Joann Sfar. Merci de votre audace mais aussi de votre talent et merci à la science d'appréhender ainsi, sur vos ailes, la poésie de son propre univers.

     J'assiste en ce moment avec délectation au renouveau de la Bande Dessinée française. Joann Sfar esr certainement un des représentants les plus actifs de ce big bang dessiné. La Vallée des merveilles, sous son apparente naïveté, crée un langage radicalement moderne. Son style, simple, imagé et poétique, fait pétiller les neurones.

     — J'ai lu La Vallée des merveilles, le dernier roman de Sfar. Formidable !

     — C'est pas un roman, c'est une bédé.

     — Oui, et c'est un essai aussi. Et un conte. Et un récit. Et un journal intime. Et un rêve. C'est bien ce que je dis : FORMIDABLE !

     « — Tu te rends compte qu'en refusant ce duel tu perds la face ? Et tu perds ton honneur ! Tu n'es pas digne de combattre.

     — Mais c'est exactement ça. J'ai pas de face, j'ai pas d'honneur et j'ai envie de faire une grasse matinée... alors tu t'en vas, au revoir. » (p.66)

     A l'aube de l'humanité, les hommes pêchent, chassent et se la coulent douce sous le soleil. Mais les femmes veulent toujours changer de menu...

     Encore un récit atypique sous la plume atypique du toujours atypique Joann Sfar. Un récit en apparence très lâche, fait d'expériences et de rencontres hasardeuses, d'humour et d'amitié, de baston parfois, de poésie souvent, de fantaisie en permanence. Un récit inclassable, en partie autobiographique comme en témoignent les savoureuses « Notes » données en guise de postface et qui méritent à elles seules le détour.

     Ceux qui ont comme moi apprécié Le Chat du rabbin, Le Minuscule mousquetaire et toutes les nombreuses autres sfareries seront de nouveau comblés, même si la philosophie se fait plus discrète et le propos en apparence moins consistant — hommage à la simplicité du barbare oblige.

     Un album lumineux, pétillant de malice, à nul autre pareil... Bref, une nouvelle preuve du talent à part de Sfar.