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« Comment vais-je faire pour m'en aller d'ici ?
Comment vais-je faire pour vivre ?
Mais qui sait ? Ceci est peut-être ma seconde chance. Après tout ce qui m'est arrivé sur
mon monde pourri, je pourrais être heureux ici, sur comment déjà ?... Arq. » | |
Mémoires explore essentiellement le passé des protagonistes qui nous ont été présentés
dans le premier album. Nous aurons donc peu d'informations nouvelles sur le monde d'Arq, cet univers parallèle
qui demeure encore très mystérieux.
Nous plongeons cette fois dans les souvenirs de Laura puis dans ceux d'Alanna. Des histoires
finalement assez banales : l'une est une prostituée au grand coeur, poursuivie par une malchance tenace, l'autre est une
étudiante classiquement séduite par le charisme de son vieux professeur et consciente un peu tardivement que cela peut ne pas
suffire pour fonder un couple...
Seul Travis a déjà vécu une expérience hors norme avant son arrivée sur Arq, au cours de la
seconde guerre mondiale. Il est peut-être le seul à avoir un lien avec cet univers étrange,
à percevoir une autre réalité accessible seulement à son regard d'aveugle.
Si en comparaison les itinéraires de nos héroïnes paraissent assez conventionnels, nous ne devons pas oublier
qu'il suffit d'avoir du talent pour renouveler n'importe quelle histoire... Et du talent, l'auteur complet qu'est Andreas
n'en manque assurément pas !
Ainsi, nous ne pouvons qu'admirer la précision du scénario, ciselé comme un délicat bijou,
d'une finesse et d'une justesse remarquables. Andreas n'a pas besoin de s'appesantir sur des détails pour
cerner la personnalité de ses héros et en dérouler la vie. En quelques phrases et quelques images, tout est dit.
Nous avons reconstitué le parcours complet de chacun avec une concision étonnante, alors même que ce parcours pourrait
occuper un roman entier. Le non-dit constitue la majeure partie du récit, mais le lecteur en perçoit instinctivement
le sens, de façon immédiate.
Grâce à cette étonnante faculté de pointer l'essentiel,
ce qui pourrait n'être que banalités devient du grand art...
L'artiste ne s'arrête cependant pas au scénario. Andreas est avant tout un virtuose du graphisme,
qui n'a pas son pareil pour suggérer beaucoup avec une apparente et trompeuse économie de moyens.
Il joue des cadrages, des découpages, des lignes de force et des séquences d'une manière inégalée.
La répétition ne lui fait
pas peur, et il peut redessiner dix fois la même case avec d'infimes variations, parfois juste la lumière du jour qui faiblit,
ou une position qui se modifie insensiblement, créant ainsi une atmosphère indéfinissable, obsédante, lancinante et envoûtante...
C'est évidemment l'oeuvre entière d'Andreas qui est admirable. Cet album
n'en est qu'une nouvelle preuve.
Pascal Patoz nooSFere
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