« Comment vais-je faire pour m'en aller d'ici ? Comment vais-je faire pour vivre ? Mais qui sait ? Ceci est peut-être ma seconde chance. Après tout ce qui m'est arrivé sur mon monde pourri, je pourrais être heureux ici, sur comment déjà ?... Arq. »

     Comme leur titre l'indiquait, les deux précédents albums – intitulés Mémoires – nous présentaient le passé des protagonistes. Avec Racken, nous reprenons leurs itinéraires dans le monde d'Arq, en nous attachant surtout au personnage de Pescoe Montana, le meurtrier au visage dissimulé par des bandelettes.

     Avide de violence et de pouvoir, Montana cherche à percer le mystère de la citadelle, construite autour du puits qui donne un pouvoir illimité à Racken, tyran paranoïaque, autrefois guérisseur respecté. Se mêlant aux ouvriers, puis aux rebelles, Montana va rapidement se rendre au coeur de la citadelle. Nonac, le maître des esprits, est toujours sur ses traces...

     Arq est un projet ambitieux qu'il est d'autant plus difficile de résumer que nous ne voyons pas encore jusqu'où souhaite nous emmener Andréas. Au rythme actuel, cette curieuse descente aux enfers promet d'être une fresque d'une ampleur et d'une complexité tout à fait inhabituelles.

     L'intrigue est sous-tendue par des symboles dont la signification est encore incertaine  : quatre des personnages se trouvent dans des situations en rapport avec les quatre éléments, tandis que le cinquième personnage, l'aveugle, perçoit des messages d'un au-delà dont la nature demeure inconnue (une calculatrice géante ?). Lorsque toutes les clés serons en notre possession, nous aurons évidemment besoin d'une relecture d'ensemble pour appréhender pleinement le sens de cette aventure.

     Personne ne peut en douter  : Andreas est un génie. Son puzzle métaphysique, porté par une narration et un graphisme éclatés, bouscule le lecteur et lui secoue durement les méninges... Ici, Andreas s'offre le plaisir de travailler sur le plein format de l'album, c'est à dire uniquement sur les doubles pages, en pulvérisant les cadrages conventionnels. Il faut parfois un certain temps d'adaptation (p.32-33), mais il parvient en permanence à réinventer de nouvelles formes sans jamais perturber la lisibilité – tout comme son scénario demeure parfaitement accessible.

     Bref, Arq est une oeuvre stimulante qui ne peut qu'enthousiasmer tout amateur de jeux de l'esprit et de jeux visuels, une oeuvre forte qui interroge le lecteur, une oeuvre époustouflante tout simplement...