À la fin de l’épisode précédent, (Les Chinois, même éditeur) alors que Capricorne quitte le hameau où il fut le révélateur d’une tragédie familiale, il est menacé par un enfant qui brandit une arme à feu. Un coup de feu éclate ! Capricorne, blessé à l’épaule a été recueilli par Patrick, un individu qui vit en ermite, loin des hommes et du monde. Pourquoi a-t-il sauvé Capricorne mourant ? En le soignant, en le nourrissant, de quelle dette s’acquitte-t-il ? Quel est le secret qui motive son retrait de la société ? Quelles fautes a-t-il pu commettre pour se sentir aussi coupable ? Peu à peu, au cours d’un huis clos éprouvant les deux hommes vont se découvrir, se parler et tenter de reconstruire…
Comment ce « diable d’homme » peut-il, après presque trente ans de carrière, continuer à nous étonner à ce point ? En effet, il ne cesse de nous surprendre, de nous faire mesurer sa capacité remarquable à innover, à se remettre sans cesse en question. Andréas joue avec les allégories et, une fois de plus, signe un travail exceptionnel sur la mise en scène. Pour ce face à face, cette rencontre de deux souffrances, il change radicalement de rythme graphique. Fini les longues cases verticales, significatives de dynamisme, de mouvement. Il a opté, dans cet album pour la case horizontale sur toute l’histoire. Par cette mise en page, à l’image de son héros blessé, allongé, il fait ressentir la sensation d’oppression, d’étouffement, d’écrasement qui est le vécu de Patrick. Elle lui permet de créer un espace intime pour resserrer un dialogue entre deux hommes qui, en fait, se ressemblent. Cette horizontalité n’est rompue que dans quelques pages par un carré central, qui comme une loupe pointe sur un second niveau graphique et à deux autres occasions. Andréas livre un récit mené de main de maître, qui oscille entre philosophie, sciences humaines et pathologies psychiques.
Patrick semble être un album de transition dans le parcours de Capricorne. Mais avec Andréas, peut-on savoir ? S’il est vrai que cette histoire occupe une place que l’on a du mal à percevoir aujourd’hui, celle-ci trouvera sans doute son emplacement dans le gigantesque puzzle que l’auteur construit depuis 1997.
Les couleurs d’Isa Cochet, chaudes, lumineuses, mettent parfaitement en valeur l’arrière saison, cadre de l’intrigue, et aide à mieux ressentir l’humeur des deux protagonistes.
Patrick bouleverse !
Serge Perraud nooSFere 17/01/2007
|