Prenez un petit archipel paisible perdu au beau milieu de la Mer Intérieure : Eurysthée. Ses habitants y vivent dans une autarcie heureuse, ne connaissant pas la guerre, et si peu le crime que les prisons y sont vides. Une utopie charmante, en vérité, mais un cadre guère propice au développement de l'aventure... Mettez-y maintenant un savant visionnaire avide de découvrir le monde et bercé de théories évolutionnistes, un gentil gourou magicien accompagné de ses deux acolytes, une cohorte de fous vraiment fous et un bateau bizarre tiré par une quinzaine de murènes géantes. Voici réunis les ingrédients de base qu'il ne reste plus qu'à secouer énergiquement : hop, et voilà ! Bienvenu dans le premier tome des Potamoks, ouvrage dans lequel vous découvrirez, pêle-mêle , les potamochères géants et équarrisseurs au nom éponyme à celui du présent cycle, l'esclavagiste Maître de Guerre représentant de Sa Majesté Imhotep, empereur d'Égypte, et sa trière aussi grande qu'un porte avion, la magie (la vraie, attention...), la révolution, les fonds sous-marins, et tout ça, et tout ça aussi, et encore un peu...

     Curieux. Oui, curieux. C'est le mot que j'accolerais le plus volontiers à cet album décidément, comment dire... curieux. Et d'abord, pourquoi curieux ? Joann Sfar confesse avoir bâti l'univers des Potamoks dans le cadre d'une campagne de jeu de rôle. Le résultat c'est un monde plus original qu'il n'y parait au premier abord, où se côtoient tant les influences de Jules Verne que de R. E. Howard — si c'est pas curieux, ça ! — , tout à la fois scientiste et guerrier. Le trait de José Luis Munuera colle parfaitement à l'imaginaire de Sfar, habile qu'il est à faire naître machines et vaisseaux marins plus délirants les uns que les autres. Les protagonistes sont intéressants, parfois caricaturaux, mais de ces caricatures propres à servir une histoire : bref un ensemble d'éléments susceptible de produire du bien bon. Reste qu'il ne se passe pas grand'chose dans ce premier tome, à savoir si du curieux naîtra la curiosité...