C’est autour de l’esclavage, comme fait de société, qu’Étienne le Roux construit la trame de L’Éducation des assassins, annoncé comme une trilogie. Il met, en introduction, un extrait d’Alexis de Tocqueville sur le sujet, extrait dénonçant, entre autres, le caractère insidieux de ce mal. Étienne le Roux s’est fait connaître en remplaçant Mathieu Lauffray sur Le Serment de l’Ambre (Trois albums-Delcourt) scénarisé par Contremarche, puis avec le dessin de la série des Amenophis IV de Dieter (Trois albums-Delcourt). Parallèlement, il a monté, à Tours, un atelier où il réunit d’autres dessinateurs. Pour la présente série, il assure scénario, dessins et couleurs.
Pendant que débarquent tous les candidats à l’immigration sur l’île d’Érèbe, deux hommes se rendent discrètement à la prison. Ils viennent rencontrer Arbor, un géant particulièrement dangereux. Le plus jeune des deux, que l’on traite en seigneur, est là pour essayer d’avoir des réponses sur ses origines. Comme sésame, auprès du colosse, il use d’une graine d’Aristotélice. Le géant entreprend alors un récit, demandant qu’on ne l’interrompe pas, car sa tête cabossée par les coups reçus… C’est dans une île du nord, dans une tribu isolée, qu’arrivent deux marchands pendant les préparatifs de la fête du Renouveau. Ils sont à la recherche de pierres jaunes qui brillent ou de fourrures. Ils assistent au spectacle des jeunes hommes qui vont cueillir, malgré les dangers, la fleur de l’Orcan. Celle-ci est l’ingrédient indispensable de la boisson qui servira pendant toute la fête. Mais seuls les membres adultes de la tribu peuvent participer aux réjouissances. Les deux hommes sont donc enfermés, avec les enfants survivants de l’hiver. Pendant la nuit, ils entendent des rugissements et un déchaînement de violence. Bien plus tard, lorsque le calme est revenu, ils cherchent à s’enfuir, emmenant avec eux quatre enfants. Leur fuite est longue et dangereuse, riche en péripéties. Ils finissent par arriver à l’auberge de Latronne Assanide, auprès de qui les deux marchands ont des dettes. Pour éponger celles-ci, ils vendent les quatre enfants comme esclaves…
Etienne le Roux réunit dans ce premier album tous les ingrédients d’un bon récit. Il mêle la magie à une force obscure de la nature et à un voyage initiatique. Il utilise le regard des enfants pour nous faire découvrir son monde et une société de type féodal sur une planète primitive. Il met en scène, de façon adroite, les mécanismes de l’exploitation du faible par le fort. Ce monde que l’auteur imagine, pour ce qu’on en découvre dans le premier tome, est tout à fait pertinent, cohérent. Les personnages, bien campés, sont attachants. Même les deux « affreux marchands » deviennent presque sympathiques. Entre récit d’aventures, fable humaniste, le scénariste offre une histoire troublante. Bien sûr, il reste beaucoup de questions sans réponses ! Mais n’avons-nous pas encore deux tomes pour tout savoir ?
Son dessin fait merveille pour illustrer ce conte aux accents philosophiques. Il illustre avec dynamisme le parcours de ces quatre enfants perdus dans un monde dont ils n’ont pas les clés, arrachés à une société aux mœurs tribales.
Les Délices de l’Orcan font les délices du lecteur ! Un premier tome remarquable dont on attend la suite avec impatience.
Serge Perraud nooSFere 03/10/2008
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