Jason Brice est détective. Il traque les imposteurs, les escrocs qui, au lendemain de la Grande Guerre, exploitent la crédulité de ceux qui veulent un réconfort dans l'usage du spiritisme. Lors d'une enquête demandée par une jeune femme, il découvre que tout ce qu'écrit Morgan Fatoy, se réalise. Le plus spectaculaire est le récit détaillé, dix ans avant, du naufrage d'un navire ressemblant fort au Titanic.
L'écrivain a disparu. Les recherches de Jason l'amènent à rencontrer l'ancien éditeur qui lui indique une piste : une maison où l'auteur passait des mois entiers. L'éditeur est assassiné et le détective devient le principal suspect. Dans sa fuite, il entraîne Chloé, une prostituée qui élève Jeffrey, son fils. Il l'a rencontrée dans une fumerie d'opium, tenue par David Tew, où Jason va se « ressourcer ». Le jeune garçon semble porter, à son insu, un lourd secret, alors que le patron paraît, dans l'ombre, tirer d'étranges ficelles.
Jason, Chloé et Jeffrey sont arrivés sur l'île écossaise, dans la maison où se réfugiait Morgan Fatoy. Le détective découvre plusieurs manuscrits dont il est le héros. Des faits, qu'il croyait être le seul à connaître, y sont relatés. Jason les lit jusqu'à l'épuisement.
Le récit se déporte un quart de siècle auparavant avec un inspecteur des phares. Il est chargé de recenser tous les défauts qui apparaissent pour prévenir les accidents. Il disparaît en mer, au retour d'une de ces inspections. C'était le père de Jason. Celui-ci revit les principales scènes de son adolescence. Il est réveillé par Chloé, car son fils a disparu. Ils le retrouvent alors qu'un cerf le charge et l'envoie retomber quelques mètres plus loin. L'enfant fait surgir une monstrueuse créature, sorte d'énorme crocodile, qui tue le cerf et disparaît comme il est venu. Chloé finit par reconnaître, sous les questions pressantes de Jason, que depuis quelques temps, elle constate des choses bizarres autour d'eux. Surgit alors un homme hagard, hirsute, une sorte de clochard...
Alcante, dans la plupart de ses scénarii, fait une large place à l'humanisme. Parallèlement, il explore les tréfonds, plutôt noirs, de l'âme humaine. Ce qui n'est pas antinomique. Il ancre, également, dans une réalité bien tangible, des phénomènes qui relèvent de l'étrange, du surnaturel et confronte ses personnages à cette mutation.
C'est le cas avec Jason Brice qui, féru de matérialisme, est mis face à une succession d'événements et de faits relevant de la divination et qui, peu à peu, ébranlent ses certitudes.
Les deux premiers volets de la série ont été surtout attachés à suivre le héros, et les personnages principaux, dans leurs recherches. Dans ce troisième tome, nombre de flash-backs éclairent la personnalité du détective et dévoilent des situations anciennes qui ont influé sur l'adulte qu'il est devenu aujourd'hui.
Alcante s'appuie, pour construire ses histoires sur des sujets qui sont connus de tous, mais dont il fait une lecture très personnelle et pour le moins innovante. Après l'utilisation des péchés capitaux dans Pandora Box, il s'attache ici à l'idée que ce qui est écrit est vrai. (Ce qui est somme toute assez logique pour un écrivain !) Il va même plus loin car, avec lui, l'écrit se réalise.
Après deux tomes à l'intrigue forte, tendue, il propose un troisième et dernier volet époustouflant, avec ses rebondissements et une conclusion d'une grande subtilité.
Le graphisme de Milan Jovanovic renforce le coté surnaturel et humaniste du scénario. Il réalise des vignettes détaillées et organise une mise en page remarquable.
La couleur de Sébastien Gérard, avec ses teintes légèrement passées place l'intrigue dans son époque où la teinte sépia dominait.
Une série magnifique qui mérite largement un grand prix pour la rigueur du scénario et un graphisme qui colle au récit.
Serge Perraud
nooSFere
04/12/2010
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